UNE CITEE APPELÉE LATTARA

SUR LES RIVES DU LEDUS FLUMEN

 

Ce n’est un secret pour personne que depuis 1963 nous connaissons l’existence, le sous-sol de Lattes, d’une ville entière, autrefois appelée LATTARA, sur les rives d’un fleuve (Ledus Flumen, le Lez) qui a beaucoup divagué depuis l’antiquité, après avoir sans doute, anéanti la cité antique. Au risque de jouer encore une fois - et inutilement - les Cassandre, je répéterai inlassablement : aucun être vivant actuellement, en dépit des souvenirs de 1933, n’est en mesure d’apprécier la puissance destructrice du Lez.

En 15 ans de recherches ininterrompues, contre vents et marées, un petit groupe d’archéologues amateurs, bientôt structuré en Groupe Archéologique Painlevé (fondé en Septembre 1968), a beaucoup appris sur la cité antique, des origines Néolithiques à la fin du second siècle.

 

Vases antiques à LattesVases gallo romains à Latara 1° s. ap.

 

Au sens strictement scientifique, nous n’avons plus grand chose à découvrir ; Nous savons qu’un village de pêcheurs Chasséens (Néolithique Moyen), d’humbles cabanes de torchis s’élevait à l’emplacement de Filiès (1, Rue des Roses). À l’age du Cuivre, ce village disparaît, comme tous ceux du bord de l’étang qui arrivait vers 1800 avant JC, exactement derrière les barres Nord du terrain de football. Vers 1100 avant JC, je crois même vers 1500, mais n’ai pu encore le prouver, un nouveau village s’élève, au même emplacement, qui durera jusqu’en 750 avant JC. Il en est d’ailleurs de même sur les rives de tous nos étangs qui connaissent une vie intense. Pour une raison que l’avenir éclairera, alors même que les Etrusques, depuis plusieurs décades, alimentaient par mer, tous ces villages en produits étrusques et grecs, vers 550 avant JC, la totalité de la vie lagunaire se fixe sur l’embouchure du Lez, à Lattes. Une grande ville va naître, en quelques années, regroupant toute la population depuis l’Hournède près de Lunel. Elle connaîtra la prospérité, avec des vicissitudes diverses jusqu’aux alentours du III° siècle après JC, ou elle sera anéantie aussi vite qu’elle s’est développée.

 

AU STADE DES ESTIMATIONS

 

Est-ce à dire que nous n’avons plus rien à apprendre ? Au risque de surprendre, je dirai que nous en sommes encore au stade des estimations. Chaque années qui passe amène son cortège de découvertes nouvelles. En 1977, par exemple nous avons appris que le gisement s’étendait jusqu’a la Courgourlude d’ou nous est parvenue une statue en marbre. Ces tous derniers jours, à l’occasion d’une exposition débat, au C.E.S, avec les élèves de sixième, nous avons appris, de la bouche d’une élève, matériel archéologique en main, que des maisons s’élevaient, au second siècle avant JC à Filiès 13. On voit donc que, même si l’on ne doit pas avoir de grosses surprises sur le type des découvertes à venir, n’importe quel habitant de Lattes peut aider à parfaire notre connaissance de l’étendue du gisement : Un propriétaire qui, en défonçant, constate la présence de larges tâches noires, un particulier qui en creusant ses fondations voit apparaître quelques tessons, peuvent rendre un signalé service à la recherche. Ils n’ont rien à redouter.

 

Vases antiques à Lattes

 

Je dois dire maintenant que sur les problèmes posés par le gisement de Lattes, il y a deux vérités : celle du Groupe Painlevé et celle de l’Administration. De nombreux conflits, entre ces deux entités, ont émaillé ces dernières années. Pour le Groupe Painlevé, on a perdu beaucoup de temps, aussi bien en ce qui concerne l’ouverture d’un grand chantier, en un lieu que le Ministre lui même qualifie "d’importance internationale ", qu’en ce qui concerne la restitution au peuple, sous forme d’un Musée, de ce qui lui appartient : son patrimoine archéologique qui, même si on lui réserve des priorités de travail, ce qui est normal, ne saurait être uniquement la pitance d’un petit groupe de spécialistes.

 

UN DON INALIÉNABLE À LA COMMUNE

 

À cet effet, le Groupe Painlevé, au cours d’une Assemblée Générale extraordinaire, a fait don inaliénable de toutes ses collections issues de Lattes à la Commune. Le Conseil Municipal a accepté ce don dans sa séance du deux Décembre dernier. De sorte qu’aujourd’hui chaque Lattois est concerné et par conséquent a droit d’être tenu au courant de tous les problèmes administratifs. Voici quelques indications :


Le Maire en personne, M ; Vaillat, sur ma suggestion, est intervenu au plus haut niveau, contactant le chef de l’État et rendant visite au Directeur du Bureau des Fouilles et Antiquités. Il y a eu quelque agitation dans les bureaux parisiens. J’ai eu, divers échos de cette agitation. D’une part, plusieurs lettres du Ministre, si elles sont déprimantes par certaines affirmations, (en gros : nous ne pouvons rien faire, nous n’avons pas les moyens) sont pour la première fois encourageantes, à plusieurs titres; En particulier, on écrit, noir sur blanc, que le gisement est essentiel au plan national. C’est un pas en avant, on ne pourra plus revenir en arrière. S’excuser de ne rien faire parce qu’il y a d’autres urgences et un manque de crédit c’est tout simplement reconnaître que la Culture Française actuelle n’a pas les moyens de s’ épanouir.

D’autre part, des actes très significatifs ont pris corps sur le terrain. Lundi 5 Décembre, l’Inspecteur des Musées de France était physiquement présent à St- Sauveur; il a, sous nos yeux, en présence de la Direction des Antiquités du Languedoc, procédé à un examen très poussé des possibilités de l’ensemble bâtiments + site + collections Painlevé. Son verdict est formel : le projet de Musée est "séduisant", mais Paris tient à créer un Musée de site, uniquement destiné aux objets issus de Lattes, ce en quoi, je serais assez d’accord avec lui, encore qu’à mon avis il n’y aurait aucun inconvénient, bien au contraire, à asseoir Lattara dans son contexte archéologique : la vie autour des étangs autrefois.

 

Canal romain à Lattes

 

DES PROBLÈMES URGENTS À RÉSOUDRE

 

La difficulté vient de ce que le Directeur des Antiquités comptait sur St- Sauveur pour faire un Dépôt Archéologique Régional pour y loger des collections venues d’un peu partout en Languedoc, car la crise est telle, en Archéologie que l’Administration ne sait ou mettre des collections en péril.

Il nous a d’ailleurs été dit, que le Directeur du bureau des fouilles est d’accord sur l’urgence qu’il y a à résoudre tous ces problèmes, au moins pour ce qui concerne le Musée. La balle est dans le camp administratif qui ne devrait pas trop tarder, cette fois-ci, à se manifester. Chacun sait que les périodes électorales voient se débloquer pas mal d’affaires qui paraissaient figées. Nous n’en sommes plus à trois mois près et, avant d’engager mes concitoyens vers la solution du Musée strictement Municipal, ce qui est tout de même une perspective de dépense importante, je crois qu’il faut patienter jusqu’au printemps prochain.

Le Département qui nous subventionne, le District qui a récemment triplé sa subvention au Groupe Painlevé, me semblent parfaitement aptes, en liaison étroites avec la Commune, à résoudre le problème du Musée sans le concours de l’Etat, s’il persistait à être défaillant. Je demeure cependant optimiste, car il a prouvé, quand les choses sont bien enclenchées, qu’il peut réaliser des ensembles grand public très spectaculaires. Il n’est que de voir, ce qui s’est passé à Lyon. Si nous sommes vigilants à la base, il y a de bonnes raisons de croire que l’Administration ne pourra pas freiner longtemps la création du Musée. Pour ce qui concerne l’ouverture d’un grand chantier de fouilles, digne du site, je crains fort que nous n’ayons à nous armer de beaucoup, beaucoup de patience.

Affaire à suivre...

Henri PRADES Journal communal de Lattes, Janvier 1978 n° 1.

 

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