LA VIGNE HIER ET AUJOURD’HUI

 

Ceux qui lisent mes articles ou visitent les expositions archéologiques de la région d’Arles, Lunel, Le Crès, Montpellier, Les Matelles, Ganges, connaissent mieux depuis quelques années, les mécanismes de l’établissement de la Civilisation languedocienne, basée sur la viticulture et cela, en grande partie, grâce aux découvertes du Groupe Painlevé. Je résume :


Peu après 750 avant J-C, soit vers la fin du VIII° siècle (ou en tout cas dans le courant du VIII° avant JC) les Étrusques font connaître aux habitants des petits villages aux cabanes de torchis qui bordaient les étangs de l’Or et du Méjean, la drogue dont notre peuple ne pourra plus jamais se passer, le vin, transporté dans des amphores dont j’ai donné par ailleurs, diverses caractéristiques tant en ce qui concerne la forme que en ce qui concerne la pâte.

Dans un deuxième temps, très peu avant la fondation du Lattes "moderne", les mêmes commerçants - navigateurs apprendront aux Languedociens la dolce vita, le plaisir de boire dans de magnifiques récipients étrusques, ioniens, corinthiens phocéens. Ils les aideront, pour des raisons, à mon avis, purement économiques (déjà la concentration capitaliste !) à édifier la ville de Lattes.

Je ne puis donner encore avec certitude la date de l’introduction de la vigne elle-même. Il n’est pas impossible que ce soit les mêmes Etrusques mais par prudence archéologique, en attendant confirmation par d’importantes fouilles (qui ne sauraient tarder désormais) nous dirons que les grecs de Massalia (Marseille) ont soi accepté, soit organisé cette pénétration de la viticulture.

Le puits tonneau du sondage actuel pose un problème qui intrigue les spécialistes français de la question sur le transport des vins avant la conquête des Gaules : théoriquement, les tonneaux auraient servi uniquement au transport des vins gaulois, les dolias et amphores étant réservés aux vins gréco - italiques, produits aussi dans la région de Marseille. Le tonneau de Lattes apporterait donc la preuve d’ une certaine concurrence des vins gaulois, les plus proches, a ma connaissance provenant des Alpes, en plein marché viticole italo- grec. Le même puits donne la preuve de la taille de la vigne languedocienne dès le second siècle avant J-C.

Mais les textes latins dès cette époque, complètent heureusement et confirment, oserais-je dire réciproquement nos découvertes, tant sur le plan de la culture, que de l’œnologie ou que des problèmes économiques. On va voir que tout ce qui se passe sous nos yeux existe déjà dans l’Antiquité. Il suffit de remplacer l'Empire Romain" par "Marché Commun" et de chercher, dans le même cadre, les mêmes réponses, sans cesse inefficaces, aux mêmes maux.


PLUSIEURS VARIETES DE CEPAGES


Les pépins trouvés dans le puits de Lattes indiquent l’existence de plusieurs variétés de cépages, sans parler de la consommation de vins "gaulois" qui n’avaient d’ailleurs pas bonne réputation (on pense alors à l’imbuvable - question de goût - clinton des Cévennes). Nous savons, par Lattes que la résine est couramment utilisée dans les amphores ou d’autres récipients. Mais le seul Pline nous cite d’autres mélanges, tels que les vins de myrrhe, de nard (le produit dont Marie-Madelaine oignit les pieds de Jésus-Christ), de cotignac (coing). Columelle (né à Cadix, au 1er siècle) cite le vin d’hysope, le vin d’aurone, le vin de thym, de marrube, de scille. Quand on sait de plus, que parfois, on exposait après la cueillette, les raisins, six jours au soleil, avant d’extraire le jus, sans compter le vin cuit avant fermentation soit de moitié réduction (défrutum) soit du tiers (sapa). On voit bien que l’œnologie moderne n’a rien inventé.

Même remarque en ce qui concerne la culture. Dans le train qui m’amenait à Pompéi, j’eus un jour, la surprise de voir des vignes grimper à l’assaut de peupliers, entre Rome et Naples. Je n’appris que plus tard que, dans l’Antiquité, outre le peuplier noir, l’orne, le frêne, le figuier, l’olivier servaient à établir des "tabulatas" pour soutenir la vigne. Les peintures du tombeau des Nasonii montrent d’autres procédés de soutien, de vraies tonnelles. Suivant le climat, on obligeait les vignes à grimper ou à ramper suivant que le vent n’était pas ou était violent, ce dernier cas concernant nos régions.


LA SURPRODUCTION


Nous aurons, sans doute, l’occasion de revenir sur la vinification. Contentons-nous, pour l’instant, d’évoquer quelques problèmes liés à la surproduction, problème toujours d’actualité, de même que celui de la concurrence.

Les grands vins sont connus de tous : le Cécube, le Falerne, le vin d’Albe pour les convalescents, le massique de Pouzzoles, le statanum, de Falerne, le fundanum, de Cales. Les vins grecs sont si chers que Lucullus raconte qu’on n’en servait jamais plus d’une fois, même dans les repas somptueux. La récolte de l’an 633 de Rome, à Falerne, fut si bonne qu’elle devint célèbre sous le nom de Consulaire, après plus d’un siècle, on en trouvait encore sur les tables des gourmands.

Vers 74 avant J-C (74 - 72), un certain Fonteius, gouverneur en Narbonnaise, se rendit coupable de telles exactions, au détriment semble-t-il de nos viticulteurs, qu’il en fut jugé, tant fut puissant le courant populaire (Cicéron : pro Fonteio). Mais notre production viticole gênant les producteurs italiens, ceux-ci obtinrent l’interdiction de planter du vignoble en Gaule. L’interdiction de cultiver fut renouvelée en 92 après J-C, par Domitien. Appliquée sévèrement, dans un premier temps, cette mesure amena une raréfaction du vin et un redressement des cours. Mais, vers la fin du second siècle, le relâchement fut tel que, un peu plus tard, Probus (276 - 282) reconnut à la Gaule le droit de cultiver la vigne.

On le voit, l’histoire est un perpétuel recommencement avec, on le voit, de temps en temps, de très curieuses inversions.

Henri PRADES, Journal Communal 1981 - 1982.

 

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