Vase avec un oeuf dedans (I° siècle après J.-C.)

 

" Le sol sur lequel repose cette couche est daté en particulier par les as de Nîmes ; on voit encore en place le vase à oeuf (photographies) Curieux dépôt à peine enterré, d’un oeuf dans une urne pourvue de son couvercle ! On a peine à croire qu'il s’agisse d'une réserve culinaire. À notre avis il faut voir là un dépôt à caractère cultuel ; quand on connaît la valeur symbolique de l'œuf à travers tant de religions (œuf Pascal pour les chrétiens), comme élément représentant non seulement la naissance, simple création de la vie, mais surtout, pour la plupart des peuples, des Dogons aux Chinois, en passant par les Civilisations d’Amérique Centrale et du Sud, la Re-naissance (Oeuf Cosmique + Printemps) il paraît difficile de comprendre autrement ce singulier dépôt."

Henri Prades 1982.


LATTARA À PROPOS D’UN OEUF


Pendant les fouilles en cours (sondage 26, près de la rue des Roses) nous avons découvert dans le sol 1 A B’, daté du premier siècle après J-C, une petite urne, soigneusement enfouie à même le sol, pourvue de son couvercle et abritant un œuf. Dans le même sondage; deux autres secteurs (S 2 et S 7) avaient livré une urne enterrée pourvue de son couvercle, aux niveaux 1 B et 2, antérieurs à l’ère chrétienne, mais vide, Ce n’est pas la première fois qu’on découvre un œuf au cours des fouilles: à Ensérune, à Lattes même, on en a trouvé dans les tombes, mais il semble qu’on soit, dans l’un et l’autre cas, en présence de simples dÈpôts culinaires. On voit mal, d’autre part, que l’œuf du secteur 21 corresponde à une réserve domestique. Alors quoi ?

Y’a-t-il un lien entre cet œuf et la chanson de Pierre Perret ou bien avec le traditionnel œuf de Pâques ? Poser le problème en ces termes prête à sourire, et pourtant...


Pourtant, le dictionnaire des symboles nous apprend bien des choses à propos du symbole de l’œuf.
Sur les cinq continents, à travers tous les siècles, dans pratiquement toutes les religions, l’œuf jouit d’un prestige privilégié chez tous les peuples. Le dictionnaire des symboles n’accorde pas moins de six pages à ce rôle éternel. La naissance du monde à partir d’un œuf ,aux Cananéens aux Tibétains, aux Indoux, aux Vietnamiens, aux Chinois, aux Japonais, aux populations sibériennes et indonésiennes....
L’œuf de serpent celtique, l’œuf craché par le Kneph égyptien, voire par le Dragon Chinois, représentent la production de la manifestation par le verbe? D’autres fois, l’homme primordial naît d’un œuf ‘Prajâpati, P’an-kou, l’œuf cosmique, couvé par l’oie Hamsa, en Inde, donnant naissance au ciel et à la terre, l’œuf de Léda, donnant naissance aux deux Dioscures, le ying-yang chinois, moitié blanc, moitié noir, le Shinto se séparant en une moitié légère (le ciel) et l’autre moitié dense (la terre), Ibn-al-Walid, avec la terre dense comme un jaune d’œuf et le ciel plus léger, comme le blanc qui l’entoure... Pour les Egyptiens, émergera du Noun, Océan primordial, une butte sur laquelle un œuf éclora. De cet œuf (le mot est féminin en Egyptien) un Dieu jaillira qui organisera le chaos, en donnant naissance aux êtres différenciés. Dans l’Inde: au commencement, il n’y avait que le non-être. il fut l’être. Il grandit et se changea en œuf. il se reposa toute une année, puis il se fendit. selon les doctrines tibétaines, l’œuf est à l’origine d’une longue généalogie d’hommes.
Dans les traditions chinoises, avant toute distinction du ciel et de la terre, le chaos lui-même avait l’apparence d’un œuf de poule. Le grand Temple Inca de Coricancha à Cuzco, avait pour principal ornement une plaque d’or de forme ovale, flanquée des effigies ,de la lune et du soleil. Le mythe de l’œuf cosmique se retrouve chez les Dogons et les Bambaras du Mali L’œuf est une image du monde et de la perfection pour les Likouba et Likouala du Congo qui disent que l’homme doit s’efforcer de ressembler à un œuf.


L’œuf apparaît également comme un des symboles de la rénovation périodique de la nature: tradition des œufs de Pâques, des œufs colorés, dans de nombreux pays. Des œufs d’argile découverts dans des sépultures de Russie et de Suède par exemple, ont été interprétés comme des emblèmes de l’immortalité et des symboles de résurrection. On a découvert des statues de Dionysos portant un œuf dans la main, promesse et signe de retour à la vie. les œufs sont offerts aux morts en nourriture comme gage de renaissance. Faisons grâce au lecteur de considérations sur l’œuf philosophique ou le mot de Silésius "L’œuf est dans la poule, la poule est dans l’œuf" ou sur le nombre d’autres variantes symboliques concernant la prospérité.

On le voit, de toute manière, c’est encore Pierre Perret, qui a le mieux exprimé la valeur symbolique de l’œuf, partout et toujours, dans sa chanson : "Quoi de plus sympa qu’un œuf"...

Henri PRADES Journal communal de Lattes, Juillet 1982 n° 19.

 

 

Hareth Boustany, Professeur d’archéologie phénicienne :

            " Ces lointains ancêtres - habitants le lieu de Byblos avant les cananéens - ont laissé des traces de leur vie : poignards et pointes de lance, (...) des vestiges de plats de bols, de jattes et de jarres en argile séchée. Ces objets communs constituent pour nous le balbutiement de la création artistique et sa première expression (...) Outre ces menus objets, les habitants de Byblos fabriquaient de grandes jarres ovoïdes qu’ils employaient comme silos à blé ou comme réserves d’huile d’olive. Ces jarres ont également eu une autre utilité. Dans les premiers temps de Byblos, les morts étaient enterrés sous le sol des maisons, dans des fosses tapissées de galets plats ramassés sur la plage proche, sur lesquels le mort reposait avec ses bijoux et quelques pierres semi-précieuses... Puis ces jarres, qui avaient déjà servi au stoskage de denrées alimentaires essentielles pour la vie sur terre, furent utilisées pour inhumer les morts. Elles permettaient de donner aux corps une position fœtale. Ces " œufs funéraires " devaient ainsi permettre une renaissance spirituelle dans l’au-delà. En effet, si l’on en croit le plus ancien historien cananéen, Sanchoniaton, qui a vécu au IX° siècle av. J.-C. à Beyrouth et dont les idées ont été reprises par Philon de Byblos, l’origine de toute vie sur terre, dans les croyances cananéennes, serait l’œuf. "

Article Byblos, du premier port à la cité phénicienne dans le magazine de voyage culturel ULYSSE N° 68 sur le Liban, Septembre - Octobre 1999, pages 56-57.

 

 

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