Cet article de Prades, écrit en hivers 1989 et publié après la mort de Prades – 11.05.1989 – dans la revue de la Fédération Archéologique de l’Hérault – alors dirigée par des amateurs - Archéologie en Languedoc 1989 (1) pages 11 et s., cet article donc, est la réponse à celui de Michel Py paru dans LATTARA 1, publié avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication Direction du Patrimoine, Sous-Direction de l’Archéologie, édité par l’A.R.A.L.O., ce premier tome de la série Lattara, vendu 150 F au Musée de Lattes comporte 9 articles acceptés par le Comité de Rédaction (Guy BarruoI, Christian Landes, André Nickels, Michel Py, Jean-Claude Roux), Lattes, 1988, sous le titre : « Sondages dans l’habitat antique de Lattes : Les fouilles d’Henri Prades et du Groupe Archéologique Painlevé (1963-1985) ». Vous le trouverez sur la page internet de Michel Py.

http://perso.wanadoo.fr/bonatocedric/PUBLAT/LATTARA%201/04%20PY/pages/cadre136480.html

 

 

 

COMPTES-RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES

 

LATTARA 1, publié avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication Direction du Patrimoine, Sous-Direction de l’Archéologie, édité par l’A.R.A.L.O., ce premier tome de la série Lattara, vendu 150 F au Musée de Lattes comporte 9 articles acceptés par le Comité de Rédaction (Guy BarruoI, Christian Landes, André Nickels, Michel Py, Jean-Claude Roux), Lattes, 1988.

 

(Archéologie en Languedoc 1989 (1) pages 11 et s.)

Plusieurs membres de la F.A.H. m’ayant demandé pourquoi je n’avais signé aucun article, je dois répondre que c’est tout simplement parce qu’on ne me l’a pas demandé. Toutefois, sous le titre « Sondages dans l’habitat antique de Lattes », les fouilles d’Henri Prades et du Groupe Archéologique Painlevé (1963-1985), Michel Py, Directeur des Fouilles programmées de Lattes, chargé de la coordination de la revue Lattara, cite mon nom 180 fois et, à travers le G.A.P. 200 fois. J’ai eu l’occasion de remercier Py, en public, d’avoir bien voulu reconnaître, dans cet article, que j’avais accompli un travail considérable, que ma connaissance du terrain et du site de Lattes est actuellement irremplaçable, et qu’il devait beaucoup à nos multiples entretiens. J’ai eu aussi l’occasion de lui dire, en apparié, au Musée de Lattes, qu’il avait été particulièrement méchant à mon égard. Il n’y a aucune contradiction dans mes propos. M. Py ayant annoncé la couleur : « J’assume pour ma part la responsabilité de l’interprétation proposée à la suite des notices, qui n’engage en rien Henri Prades et son équipe », je ne vois pas pourquoi, lorsqu’il m’a montré son manuscrit, je me serais opposé à la publication. C’est parce qu’un universitaire français ayant lu l’article, l’avait qualifié de « dégueulasse » à notre égard, et un universitaire américain en avait dit qu’il était bâclé et sans valeur que je dois, à mon tour, le commenter. N’espérant pas voir cette mise au point paraître dans les colonnes de Lattara, sous prétexte de je ne sais quel droit de réponse, Py étant à la fois juge et partie, je la confie à la F.A.H. En cas de refus, je la publierai à mes frais.

En application de la locution proverbiale : « Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné », je dirai que l’article dont il est question représente un travail considérable à divers titres, préparé et imprimé en un temps record. Lire des rapports de fouille établis depuis 25 ans, choisir 14 photographies sur des centaines, énumérer les milliers d’objets trouvés, modifier des dessins établis par des spécialistes, ajouter ses propres plans, imbriquer d’autres travaux (Direction des Antiquités, fouille programmées, fouilles J.C. Roux, fouilles Y. Gasco...), s’investir dans la publication, tout cela et la mise au point de l’article représentent un véritable tour de force qui n’est pas à la portée du premier venu, moi en l’occurrence.

Mais, Dieu merci, il n’est pas interdit de critiquer les critiques. Je vais, à l’instar de M. Py, « tenter de faire preuve d’esprit constructif, relater les faits de la manière la plus objective, mais aussi la plus positive possible, sous le meilleur jour, sans insister sur les incertitudes subsistantes, sans soulever de vaines polémiques... ».

On notera d’abord que le contenu de l’article ne correspond pas exactement au titre qui prétend présenter mes fouilles et celles du G.A.P. de 1963 à 1985. Par exemple y figurent mes fouilles inédites (p. 109) de la Cougourlude (le complexe thermal, mais pas le moulin hydraulique, sans qu’on sache pourquoi) en 1986-1987, les fouilles de J.C. Roux, celles de Y. Gasco, les sondages de la D.A. etc.

Je trouve curieux, si « les documents graphiques publiés ou joints aux rapports étaient également plus ou moins soignés, et en tout cas peu utilisables tels quels » et si « les principaux plans de fouille ont été redessinés et parfois simplifiés... » qu’on ait choisi l’un d’eux pour illustrer la couverture du premier tome de Lattara, faisant ainsi supporter un préjudice moral à l’auteur du plan (J.-L. Vayssettes) et, paradoxe, à tous ceux qui ont écrit un article dans ce tome, M. Py compris. Baptiser ce procédé « interprétation » est un doux euphémisme. Interpréter nos fouilles à partir de plans « simplifiés » en effaçant les lignes les plus importantes, appuyées, dans le rapport, par des photographies, amène M. Py aux déboires qu’on verra plus loin.

Dire, p. 67, que « mes interprétations... précédent parfois la fouille » prête à confusion. Si c’est une critique, M. Py a fait de l’autocritique sans le savoir, on verra cela à propos de la fig. 28. Si c’est un éloge, je l’accepte, car il m’est arrivé à Lattes bien souvent d’annoncer à l’avance ce qu’on trouverait à tel endroit, à telle profondeur... et je suis prêt à recommencer ! M. Claude Fayard, réalisateur de télé, peut témoigner qu’au milieu du champ de M. Bozerand, j’ai annoncé la présence, à 1,60 m de profondeur de deux murs parallèles, séparés par un intervalle de 15 m environ et qu’entre les deux se trouvait un canal... dont j’avais annoncé la présence à M. BarruoI. Je pourrais multiplier les exemples pittoresques. Comment peut-on expliquer, par exemple qu’à la Cougourlude, dans un champ de six hectares, je sois tombé du premier coup de pelle mécanique sur un canal fossile totalement invisible en surface ? Quand j’écrivais dans « Hommage à Fernand Benoît » (t.l., pp. 110-111) : « ...nos difficultés pour retrouver le village néolithique qui ne peut pas, à notre sens, ne pas exister en aval de Pont Trincat », je savais que j’avais la volonté de ‘découvrir ce village néolithique... et je l’ai trouvé, au sondage 11, chez M. Debry, à cinq mètres de profondeur.

Page 67, M. Py parle de la « redécouverte » de l’habitat antique par un écolier. Le jeune Jacques Ferez et son cousin Jean Offroy n’avaient et n’ont aucune prétention archéologique. Il n’empêche que ce sont eux qui ont réveillé la Belle au Bois Dormant et, s’ils n’avaient rien dit, Lattara serait aujourd’hui totalement dévorée par les lotissements, comme on l’a laissé dévorer, malgré toutes mes protestations, par exemple sur les cinq hectares de Filies IX.

Dès la p. 67, M. Py fait des réserves sur ce que j’appelle la zone portuaire, puisqu’il met le mot portuaire entre guillemets. Il en sera ainsi tout au long de l’article. Tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont participé aux sondages 6,7,8,9,9 bis, ont été d’accord sur le fait qu’on était en présence d’installations portuaires sur une partie canalisée. Le ponton en bois de la fig. 3 à lui seul en démontre l’évidence. Nous avons eu cent preuves à Lattes de ce que le bois ne se conserve que s’il est maintenu dans l’eau ou la vase. Ayant écrit en Suède, à l’occasion de la fouille autour du ponton, il me fût fortement conseillé de bien me garder de sortir le ponton de sa situation car on n’avait pas les moyens, en France, de le sauver. Le mieux était de laisser remonter la nappe phréatique. Nous avons suivi le conseil et l’équipe de Py pourra vérifier nos observations si elle en a la volonté.

« En quelques années, dit M. Py, les trois quarts du site archéologique, jusque là pleinement accessible, allaient être recouverts de lotissements ». Il aurait pu ajouter « malgré la détermination d’Henri Prades et du G.A.P. qui alertaient M. BarruoI à chaque nouvelle atteinte, par exemple lors du lotissement de Filies IX ». Ce qui, dit d’ailleurs M. Py, « provoque l’embarras des autorités ». L’embarras seulement, car 5 hectares de ville antique ont été perdus d’un seul coup.

De la p. 68 à la p. 109 M. Py énumère une série de 71 notices qui sont censées être le reflet objectif de nos fouilles « sans soulever de vaines polémiques ». Voici quelques observations sur ces notices :

Notice 3 : Pourquoi des guillemets au mot « niveau » ? Pourquoi d’ailleurs onze fois des guillemets dans cette notice ? C’est ici notre méthode, notre vocabulaire non académiques qui sont condamnés. Faut-il reprendre chacun de ces guillemets, sans parler des mises en crochets et des points d’interrogation ? Je ne vois pas la nécessité de préciser ce que j’entends par couche, sol, niveau. Si Py avait vu, comme moi, une coupe verticale propre de cinq mètres de hauteur à Lattes, avec ses neufs sols superposés, il aurait compris pourquoi j’ai distingué neuf niveaux. Il ne s’agit nullement d’un cadre « théorique et contraignant » dans lequel j’aurais eu les pires difficultés à enfermer toutes les stratigraphies de Lattara. M. Py, décidément me fait plus bête que je ne suis. Il n’était pas né que je savais déjà que deux maisons voisines, deux pièces d’une même maison, deux secteurs d’une même pièce, ne présentent pas forcément les mêmes séquences stratigraphiques. Quand, par exemple Odette Taffanel dit « Mailhac 1 », tout le monde en connaît les fossiles directeurs. Les ricanements de M. Py concernant mes niveaux 1-AA’, 1-AB’, 1-AC’, etc, résonnent dans le vide. Il s’agit de nouvelles couches, absentes des premiers sondages, contenant un matériel spécifique. Je n’ai pas fait d’une monnaie de Pétain, d’un tesson paléochrétien ou du sabre arabe, trouvé dans les couches supérieures du sondage 9 et offert au Bachaga Boualem, trois nouveaux niveaux. Je n’ajouterai pas non plus les installations portuaires médiévales exhumées à la porte lombarde, à la suite de mes interventions tapageuses, aux séquences stratigraphiques de Lattara.

En revanche M. Py a certainement, en général, raison quand il considère mes « fossés » comme des tranchées d’épierrement. Mon « erreur » n’était pas, toutefois inconsciente. Dans nos régions, il arrive qu’on remplisse un fossé de drainage de fagots ou de pierres : on appelle cela, en occitan un « ballat ratier ». D’où notre hésitation à trancher. L’interprétation sur les « fours à pain » me paraît meilleure que la mienne.

Notice 4 : Peut-être aurait-il été souhaitable de préciser la position d’une hache polie, au niveau 5, sous un pas de porte. Deux autres haches polies ont été trouvées au sondage 26, dans la rue 2.

Notice 5 : Si nous avons considéré le foyer décoré « en position remaniée » c’est parce qu’il était cassé en de nombreux morceaux. Le terme, c’est vrai, ne convient pas. Foyer détruit serait plus juste.

Je ne suis pas le premier à utiliser le mot précampanien, avec ou sans guillemets. Je ne prendrai certes pas parti dans la querelle entre spécialistes. Dans « Archéologie en Languedoc, 1-1978 », Morel écrivait : « Mais » « précampanienne » désigne presque toujours les céramiques attiques ou assimilées qui précèdent et accompagnent le développement des productions à vernis noir proprement occidentales : la précampanienne regroupe donc la céramique attique et toutes les fabrications « pseudo-attiques » (M. Py) qui s’en inspirent si fidèlement qu’il est parfois difficile de les en distinguer ». Ainsi, M. Py ayant répondu à M. Py, je ne vois pas la nécessité d’ajouter quoi que ce soit.

Petite remarque : le gland en or du niveau VII a disparu ; dommage.

Notice 7 : Sur la fig. 15, p. 62 du « Port de Lattara » nous avions légende « ponton d’embarquement ». On distingue la crête de plusieurs pieux de fixation. Ce ponton d’embarquement ne se conçoit, pour moi, mais peut-être ai-je tort, que dans une « zone portuaire ».

Notice 8 : Les datations proposées pour la séquence (-530/+200) sont une interprétation de M. Py.

Notice 9 : Cette notice émane de sources de fiabilité hétérogène. On ne peut mettre sur le même plan des informations de presse et un article de Vernet sur l’analyse du bois. Précisons : que nous soyons en présence d’un bras du Lez canalisé ne laisse pour moi place à aucun doute.

Notice 10 : La datation proposée (-150/+200) ne convient pas, la simple énumération des documents trouvés le prouve car les couches inférieures ont donné la grise ondée, les tessons massaliètes ou étrusques. M. Py ironise, c’est bien son droit, sur le fait que nous ayons daté de la fin du IIe siècle une couche où abondait la céramique arétine. M. Py aura l’occasion, n’en doutons pas, lorsqu’il s’attaquera aux couches de graviers et de sable qui l’attendent en contrebas de la cité de voir que l’étude d’une stratigraphie en rivière est infiniment plus compliquée qu’il n’imagine. Quand il nous fait dire que nous avons daté de la fin du IIe siècle, il « oublie » (p. 68 de Le Port de Lattara) que nous avons ajouté un point d’interrogation qui n’a pas sans doute été placé là par accident.

La mise en place naturelle des lentilles de graviers obéit à des lois qui nous échappent. C’est pourquoi je suis moins convaincu qu’en 1966 de ce que les « sols » de galets damés du niveau 9 du sondage 7 (qui n’a rien à voir avec le niveau Lattes IX) soit un apport anthropique. Ce qui ne veut pas dire non plus que l’homme ne l’a pas « damé » par piétinement au moment des basses eaux d’été.

P. 74, traitant du problème des petits coquillages lagunaires et fluviatiles du niveau 13, M. Py met entre crochets (étang ? Inondation du Lez ?). J’ai eu l’occasion de discuter de ces problèmes avec Catherine Delano Smith, d’une part, avec le regretté Gaston Galtier, d’autre part. Smith, ayant analysé des échantillons à Nottingham note la présence de 24 variétés de coquillages d’origine fluviatile sur 26, les deux derniers étant lagunaires. Galtier, de son côté, a expliqué la présence de la langue salée à la base du Lez inférieur. Les prélèvements de Smith ayant été effectués, chez M. LIorca, au-dessus des couches archéologiques, apportent la preuve de l’alluvionnement ultérieur par le Lez. Les coquillages figurant sur la photographie de la fig. 16, p. 63 du « Port de Lattara » sont en place au-dessous de ces couches, dans l’ex-vase d’étang et en contact avec des tessons d’amphores étrusques parce que, en creusant le chenal, l’homme a atteint la vase d’étang.

Notice 11 : Bien que situé hors des limites des parcelles acquises par les collectivités, ce sondage 8 prouve qu’on peut compléter les informations sur les installations fluvio-lagunaires. A voir un jour...

Notice 12 : Ce sondage, effectué en présence de la représentante de la D.A. a donné une quantité phénoménale de matériel diversifié. Ce fait parait beaucoup moins évident que les nombreux guillemets qui émail-lent l’article. Il serait fastidieux de m’expliquer sur chacun des guillemets. Un peigne, par exemple, c’est un peigne, et cela ne ressemble à rien d’autre : c’est fait pour peigner et non pour recevoir des guillemets. Et, puisqu’il faut appeler un chas un chas, comment M. Py appelle-t-il une tige, métallique ou en os, pointue à une extrémité, pourvue d’un trou destiné à recevoir un fil de l’autre côté ?

L’hypothèse du ponton accroché côté nord, au lieu du pont incendié que nous proposions est beaucoup moins recevable que la nôtre : le sommet des pieux brûlés à la même hauteur (ce qui indiquait le niveau de l’eau), la disposition des pieux (M. Py ne tient pas compte de ceux qui se trouvent plus au sud, au milieu du cours), la disproportion entre les troncs (car il s’agissait de troncs énormes et non de planches) par rapport aux pieux, tous les paramètres invitent à rejeter l’hypothèse du ponton.

Notice 13 : L’hypothèse de M. Py faisant de notre « quai » ou « jetée » sud du sondage IX bis un mur de soutènement pour permettre d’urbaniser les zones méridionales, au-delà du cours est purement gratuite. Je peux affirmer que, au sud du sondage IX bis, en ce point précis, il n’y a pas urbanisation. Belle occasion de me contredire : il suffit de faire un trou...

Notice 16 : Remarque juste de M. Py : le mot « villa » ne convient pas.

Notice 18 ; La datation proposée (Chasséen/IV° siècle) est présentée comme une certitude. On notera que, plus bas, on lit : (+IV s. ?). C’est Rémy Marichal et non Georges Marchand qui a vidé le puits. Tout deux étant membres du G.A.P., il a pu y avoir confusion. Notice 21 : Pratiquement tous les sondages se sont révélés positifs. Si le sondage « s » n’a pas fourni de mobilier, la parcelle voisine, chez M. Vallat en a montré lors du creusement d’une piscine.

Notice 25 : Mon expression « zone portuaire » est ici acceptée sans guillemets !

Notice 29 : Pourquoi des guillemets au mot « mosaïque » ?

Notice 32 : Un caniveau parfaitement conservé, avec sa couverture, visible sur la photographie (fig. 13) donnait la direction à suivre pour aboutir au canal supposé.

Notice 33 : II s’agissait, pour moi, de vérifier l’hypothèse précédente. Il devait y avoir un canal. Déjà, en 1963, j’avais pris des photos aériennes qui m’avaient convaincu de la présence de ce canal. Avec le temps, les traces de surface avaient disparu. Le propriétaire, M. Bozerand, se montrant très coopératif, une occasion s’offrait de rendre visible ce canal. M. Py, rendant compte, objectivement, de mes rapports de fouille, met, une nouvelle fois, le mot canal entre guillemets. Toux ceux qui ont travaillé à ce sondage ont vu là un canal de 15m de large, flanqué de deux murs « profondément fondés » selon l’expression de M. Py (qui n’est pas étonné de fondations de près de 4 m de hauteur), murs entre lesquels il n’y a jamais de mur qui leur soit perpendiculaire. Que le dessus de la couche archéologique soit concrétionné, comme dans tous les sondages du même type (6,7,8,9... etc.) que les matériaux périssables (bois, corde, cuir, vannerie, feuilles, etc.) soient intacts, que les clous de fer soient gris et non couleur rouille, que le bronze soit couleur bronze et non vert, contrairement à ce qui se passe dans Tous les autres sondages sur le site, cela ne gêne en rien M. Py qui persiste et continue à mettre toutes mes affirmations entre guillemets. Sans être « polémique », je me demande lequel de nous deux émet des hypothèses avant d’avoir fouillé dans un canal de Lattes.

Si j’ai interprété le comblement comme en partie anthropique c’est que à l’évidence, comme tous les cours d’eau, de Paris au Japon, du Japon jusqu’à Lattes, le Lez inférieur est partiellement encombré de sables et de graviers, ce qui amena un jour Jacques Cœur à renoncer au port de Lattes dont les structures, près de la porte Lombarde, s’enfoncent à près de cinq mètres ! Le reste du comblement est anthropique, le canal a rempli une fonction de dépotoir, même si ce n’était pas le but poursuivi. Les écologistes d’antan semblent avoir été plus discrets que ceux d’aujourd’hui.

A la Cougourlude, les choses sont différentes : on a complètement comblé le canal au moulin en y déversant les ruines des constructions.

Notices 37 à 65 : Je lis « les travaux continuent encore de manière ponctuelle ». Faux. Les travaux sont inachevés. Je n’assure, pour l’instant, que l’entretien minimum pour pouvoir présenter le sondage 26 aux visiteurs, essentiellement des scolaires. Je ne reçois aucune aide, pour cet entretien, de la part des services techniques de la ville, maigre des demandes réitérées. J’ai arrêté la fouille sous la rue 2 pour permettre à notre ami Georges Marchand de sortir un lot de 26 amphores massaliètes susceptibles d’intéresser la datation par la typologie. Il semble que la Municipalité s’oriente vers un comblement du trou, quelques riverains prétendant que c’est un nid à moustiques (ce qui est faux puisque le « trou » est peut-être le seul endroit qui soit régulièrement suivi par les services de la démoustication).

Notice 40 : Les guillemets à villafranchien s’expliquent par le fait que les géologues trouvent ce terme impropre. Sous ma plume, le mot villafranchien désigne les graviers alluvionnaires rhodaniens qui constituent les hauteurs entre Lattes et Mauguio. Ce sont ces graviers, noyés dans des argiles rougeâtres ou jaunâtres qui sont utilisés, encore de nos jours, pour exhausser les sols.

Notice 44 : J’ai décrit les pesons de tisserand comme non finis et non cuits. M. Py assume l’interprétation selon laquelle ils étaient peut-être « peu cuits et dégradés » et témoignent d’une activité « non pas de poterie mais de tissage ». Je vais donc mettre les points sur les « i ». Certains pesons en voie de fabrication n’avaient pas encore été perforés. Lors de l’extraction, il a fallu déployer des trésors de patience pour en sortir quelques-uns entiers. Posés sur le mur voisin à seule fin de les voir se ressuyer et « prendre un peu de force » car ils étaient absolument intransportables, le premier lot s’est transformé en un petit tas de boue à la suite d’une averse subite, ce qui prouve bien qu’ils étaient crus. Les plaques de four, les fragments d’argile rubéfiée, les cendres peuvent être des restes de four à pain, voire liés à une activité métallurgique, mais il nous a semblé plus logique d’y voir un ensemble avec les pesons crus.

Notice 45 : Les guillemets de « mosaïque » conviennent ici. Une photographie aurait été la bienvenue car, trop sensible sans doute à la poésie de l’archéologie, je l’avais interprété comme une œuvre d’enfant.

Notice 49 : le dépôt d’un squelette d’oiseau inhumé avec une coupe campanienne correspond sans doute à une tombe « répondant » à la tombe de fœtus voisine (secteur 18). Une tombe d’oiseau soigneusement construite en pierre de Castries a été aussi trouvée dans la nécropole. Bien que relativement rares, les tombes d’animaux en nécropole ont été parfois trouvées (Sétif, les Bolards, St. Paul Trois Châteaux...), en particulier dans les cimetières d’enfants. Certains les interprètent comme de véritables « placebos » pour remplacer le corps d’un enfant qui avait échappé par miracle à la mort et dont on avait déjà creusé la tombe. On aurait ainsi remplacé une vie destinée à l’au-delà par une autre vie. L’anthropologue Mr Engels m’a raconté que, lorsqu’on construit une digue pour se protéger de la Mer du’ Nord, en Allemagne, on y enfouit un chien sacrifié, au besoin clandestinement, pour remplacer l’enfant qu’on n’oserait plus y mettre aujourd’hui.

Notice 55 : Tous les témoins, lors de la fouille ont interprété la structure en bois sous le dolium, avec ses cerclages de bois et son jable à la base, comme un tonneau en réemploi. M. Py fait une réserve parce qu’il est étonné par son aspect cylindrique. Le dessin de J.L. Vayssettes, p. 101, montre bien qu’il ne s’agit pas d’un vrai cylindre, le bas étant plus étroit que le haut. Il faut aussi penser que le haut, tour à tour dans l’eau et hors d’eau (été-hiver) a disparu par pourriture, ce qui explique la position légèrement inclinée du dolium.

Notice 57 : Les guillemets du mot votif appellent une précision : j’ai trouvé la même association dans les restes du petit fanum de la source du Colombier, à Octon (Statuettes en terre blanche de l’Allier + petits vases à pied étroit, à couverte blanche), comme, aussi, on l’avait trouvé au fanum de Colombières sur Orb. On en trouve aussi dans la nécropole de Lattes (des vases) entre les tombes.

Notice 62 : Le point d’interrogation qui met en doute notre interprétation du puits comme latrines m’oblige à préciser que c’est toute l’équipe de fouille qui a vu les choses ainsi : profondeur anormale, absence totale de cuvelage, contenu (en particulier abdomens d’éristales ou mouches des latrines) et surtout, les grosses dalles cassées, au-dessus, au voisinage immédiat, avec leur trou de 25 cm de diamètre, tous les paramètres allaient dans le même sens.

Notice 66 : Les figures 25 et 26 sont mal légendées.ill s’agit bien du sondage 27 et non 26. D’autre part, le plan de la fig. 24 a été tellement modifié qu’il conduit M. Py à une erreur d’interprétation grave. Sur le plan initial, le mur 1 se prolonge vers le haut du dessin, donc vers l’ouest, sous forme de pointillé, au moins sur toute l’épaisseur du mur 2. Sur le dessin de M. Py, ce pointillé a disparu. Or il était appuyé par une photographie dans le rapport qui montre que c’est bien le mur 1, dans l’axe de la route, qui est le mur maître, le mur 2, « perpendiculaire » à la route s’y appuyant. J’ai demandé mais n’ai pu obtenir l’autorisation de dégager au moins le haut du mur 1 de quelques centimètres de plus, ce qui aurait permis d’y voir beaucoup plus clair à tout point de vue. Une chose est certaine, rempart ou digue, la muraille 2 ne pénètre pas, vers le nord, à l’intérieur du terrain de sport. Si cela était, nous l’aurions vue lors du creusement du siphon qui évacue l’eau de la roubine entre la route et le terrain de football.

Notice 71 : Puisqu’il en est fait état, autant dire qu’outre les restes d’hypocauste avec tubuli de Caius Virius Clemens se trouvent, dans un canal étroit les restes probablement les plus anciens de Gaule d’un moulin hydraulique sous la roue.

L’interprétation des données :

Perspectives topographiques : (3.1.1.) Dire que le premier habitat de Lattes et plus tard de la ville de Lattara se sont « installés sur un terrain bas et instable » ne convient pas, au moins en ce qui concerne l’instabilité. Une partie, par exemple le village néolithique se trouve sur un terrain assez analogue au « taparas » de Lansargues, le « calcrète » de Catherine Delano Smith. Une autre partie, près du musée est sur une épaisseur de sable indéterminée. Contrairement à une idée reçue, le sable est un matériau très stable pour recevoir des constructions. L’église du XIIe siècle se porte bien.

Le choix de l’emplacement dans l’Antiquité doit à mon avis tout au fleuve. Au sondage 27, les ouvriers ont recueilli un galet portant gravé d’un signe ou, personnellement, je vois trois caractères archaïques : un « I », un « t », un « o », ce qui donnerait « LOT » à la lecture, très près de Ledus et de Lattes. De même, les deux Lirondes et le Lirou, tous affluents du Lez dériveraient du même hydronyme.

« Pourquoi, se demande M. Py, avoir choisi à partir de la fin du VIe siècle d’installer et de développer un habitat plus au sud, dans une zone à première vue aussi peu favorable ? » Premier élément de réponse, selon M. Py, la présence de hauteurs « dans le voisinage immédiat ». Cette simple façon de poser le problème entraîne une foule de réflexions :

1 -      Les Etrusques, comme les Grecs et, plus tard, les Romains n’étaient certainement pas fous. Leur choix devait répondre à une logique.

2 -      Les constructions annexes de tous les ports du monde sont le plus près possible de l’eau. Construire Lattara à Fangouse aurait été absurde.

3 -      Petrequin, dans son livre « Gens de l’eau, gens de terre » a fort bien démontré les capacités de l’Homme à s’adapter aux terrains marécageux. Cela ne pose jamais problème, même quand on est carrément sur l’eau (Titicaca).

4 -      II ne faut pas voir le paysage avec les yeux actuels : A Gran Carro, sur lès bords du lac de Tarquinia, on a trouvé, en 1965, grâce à une prospection en plongée, un village de cabanes de la première période de l’Age du Fer à une profondeur de 4 à 5 mètres (« Les cités étrusques », éd. EIsevier Séquoia, 1975). Plus près de nous, voir les découvertes de Freisses et de Fonquerle dans l’étang de Thau.

5 -      Le problème du niveau de l’eau par rapport au sol ferme, donc du tracé du rivage aux différentes époques est d’une grande complexité car il faut tenir compte à la fois des variations du zéro N.G.F, et des variations de la subsidence. Par exemple, à quoi attribuer le fait que le sol de la rue du sondage 26 soit à deux mètres de profondeur au premier siècle de notre ère et à cinq mètres pour le Néolithique. La moyenne d’alluvionnement, soit 1 mm par an, qui paraît répondre à la question n’est pas forcément exacte puisque j’ai fait mesurer la subsidence du sol : elle est de 7,5 cm en 50 ans, soit 50% de plus que la normale depuis 5000 ans.

L’hypothèse de M. Py selon laquelle les eaux aient pu remonter vers le Nord, après le Néolithique, comme « en témoignerait la couche d’argile grise à petits coquillages, stérile en mobilier archéologique, régulièrement rencontrée au-dessus du niveau Néolithique dans le sondage 26 » doit être reçue avec des réserves. J’ai déjà dit que les « petits coquillages » sont fluviatiles dans leur très grande majorité. On peut parler d’alluvionnement accéléré (le Chalcolithique est, à l’évidence, une période pluvieuse). Cela n’implique en rien une remontée du niveau de la mer.

Les documents du BF IIIB et du 1er Age du Fer trouvés en désordre au-dessus de la couche grise, se retrouvent, roulés, dans toute la plaine de la Cougourlude, bien en amont. A l’école Painlevé, lors de la rectification du cours du Lez, j’ai pu observer les mêmes tessons, mêlés aux graviers du fleuve et aux tessons plus récents. L’hypothèse selon laquelle ce serait le mouvement des eaux lagunaires qui aurait amené ces « désordres » est contredite par la position du sol couvert de tessons mailhaciens à Forton, tessons qui sont in situ et non roulés à une côte supérieure à moins d’un mètre par rapport au zéro N.G.F.

6 -      La carte de la p. 115 (fig. 28) ne provient pas des archives ou rapports du G.A.P. Elle appelle quelques commentaires :

A - La zone tramée, portant la mention « galets » ne peut être qu’un cône de déjection du Lez, ce qui expliquerait la présence sporadique de tessons. Lors de la division de ce terrain en jardins familiaux, les puits et forages firent apparaître d’importantes lentilles de graviers moins profondément enfouies que ce qu’on observe plus au nord où la nappe de graviers « hydrogènes » se trouve entre 14 et 16m.

B - Le « rempart » ? est une hypothèse de M. Py. Il peut aussi bien s’agir du quai nord du canal.

C - Des carottes profondes que j’ai exécutées avec l’Américain Charles Ebel confirment la position du Lez Viel. C’est la saignée dont il fut victime, au grand dam du moulin de Gandalmar qui entraîna la guerre de 1125 entre Bernard IV de Mauguio et Guillem VI de Montpellier. Le détournement du Lez Viel en direction de la zone du port avait condamné le moulin de Gandalmar. La paix de St Martin du Cres, sur intervention du pape Calixte II, rendit son eau au moulin.

D - Le « bras du Lez antique », tel qu’il est porté sur cette carte, doit être prolongé tout droit vers le sud, bien au-delà des sondages 6 et 7.

E - La position supposée du port, en bas, à gauche, me paraît très audacieuse.

F - Le terme « canal », au sud de la zone d’habitat, paraît un peu fort pour désigner un fossé entre deux murs séparés par 1,20m.

G - Le tracé proposé pour les remparts est pour le moins hypothétique.

H - Le seul point où la muraille (rempart ou digue, ou les deux) est certaine est le point 27. Le prolongement du rempart à l’intérieur du terrain de football est, selon l’expression même de M. Py « une interprétation précédent même parfois la fouille ». La différence entre l’interprétation dont M. Py « assume la responsabilité » en s’appuyant sur un dessin modifié par lui et mon affirmation, c’est que moi je suis absolument certain que le mur 2, nord-sud, plus ou moins perpendiculaire à la route, ne va pas au-delà du mur 1. J’étais présent, détail oublié par Py, lors des travaux.

I - Le « canal ? » près du sondage 25 est purement hypothétique.

J - La note 14 (p. 114) fait état d’un sondage effectué au nord-ouest de mon sondage 8 par l’équipe pluridisciplinaire. Une rue est apparue, en forte pente vers l’est, ce qui ne m’a pas surpris du tout. La présence d’une monnaie de Julia Domna, à un niveau absolu bien inférieur aux documents contemporains trouvés régulièrement en haut de la parcelle indique bien une descente vers le plan d’eau encore utilisée, mais peut-être depuis peu, au début du IIIe siècle. Cette pente du sol 1 vers l’est est générale tout le long du musée. J’ai offert à l’équipe de fouille de les débarrasser de la présence de l’eau pour pouvoir continuer en profondeur. Je n’ai pas été entendu. On a préféré reboucher le sondage. Je trouve que c’est regrettable seulement pour la raison que, mis en présence des conditions matérielles au fond de ce que j’appelle des canaux, nos amis de l’équipe de fouille auraient mieux compris mes arguments. Si les leurs avaient entraîné mon adhésion, j’aurais publiquement reconnu mon « erreur ». Pour l’instant on s’en tiendra donc, pour ce qui, à mon avis, est l’essentiel, le port, à l’anse d’étang que Py suppose (c’est son expression) exister. Page 116, M. Py écrit : « II est exclu cependant que les restes d’aménagement « portuaire » retrouvés 6 à 9 bis aient été placés sur son cours ou à son embouchure, comme cela a été d’abord supposé par les fouilleurs (par exemple Arnal et al., 1974, 76-77) ». Chacun peut vérifier que le mot « embouchure » ne figure pas dans notre texte pp. 76-77. D’autre part, depuis 1974, d’autres observations ont pu être conduites. Concernant le rivage lagunaire, nous écrivions que « la surface des marais arrivait bien jusqu’à Lattes mais à des époques plus anciennes ». Je n’ai pas de raison de changer ma vision des choses : les sondages 6 à 9 bis sont bien dans le cours du Lez canalisé en cet endroit. Page 75, nous écrivions que le mot jetée était plus ou moins inadéquat. M. Py aurait été mieux inspiré de critiquer notre interprétation du processus de vie et de mort du port. L’explication que nous avons fournie alors ne me satisfait guère, en particulier la notion de « plage » pour sécher les filets. Nous étions alors sous le coup de l’abondance des plombs de filets, qui pourrait, de plus, expliquer l’abondance des particules de plomb prouvée par les analyses de l’ingénieur Debrot. La présence des cristaux de sel n’implique pas une proximité immédiate de l’étang. A la Cougourlude les terres hydromorphes salées se trouvent à plus d’un kilomètre de l’étang actuel. Dans les cours d’eau, le phénomène de la langue salée est une circonstance aggravante. A Lansargues, un barrage anti-sel empêche sa remontée dans le canal.

Page 116, M. Py écrit : « Tous les indices recueillis ne sont pas aussi convaincants que ne pense H. Prades dans ses différents rapports de fouille, plusieurs doutes subsistent quant à l’appartenance de tout ce qui a été mis au jour dans ce secteur à un seul et même « canal romain ». Nous touchons ici à un point essentiel du port antique. Les guillemets, une fois encore, paraissent incongrus. Même si les Romains n’en sont pas les créateurs, le mot canal romain ne choque pas. Le mot unique est un faux procès car je suis convaincu depuis longtemps que plusieurs bras existaient, faisant parfois communiquer des branches différentes du delta, comme ce fut le cas au Moyen-Age ou sous l’Ancien Régime. On se rappelle que le bras creusé par Guillem VI, au détriment du Lez Viel, pour alimenter le port de Lattes avait causé, en 1125, la guerre entre Mauguio et Montpellier.

Au risque d’être accusé de faire un procès d’intention, j’ai retiré l’impression, à la lecture de l’article, que nous n’étions pas sur la même longueur d’onde, en ce qui concerne la conception de la zone portuaire, voire de la définition du mot « port ». La fig-28 carte synthétique de M. Py et non du G.A.P., il n’est pas inutile de le rappeler, me conforte dans cette impression. Le mot « zone portuaire » est employé sans guillemets et placé au sud du mot « canal » (avec guillemets). Son « port » (sans guillemets mais avec point d’interrogation) est au sud-ouest de cette zone, simple hypothèse pour l’instant. Il semble que M. Py répugne à juxtaposer les mots port et canal. L’encyclopédie Quillet, p. 3760, écrit, dans la définition du mot « port » : « On dit souvent port de mer pour le distinguer des ports fluviaux ». Le port fluvial de Lattara est, pour Prades, une certitude ; le port lagunaire de M. Py est une hypothèse, une interprétation avant la fouille. Le jour où je verrai ces installations de mes yeux, j’y croirai, pas avant.

Quant au rôle dominant de la muraille, rempart ou digue, c’est aussi un faux procès, car, comme ce fut le cas au Moyen-Age, le Lez, ou l’un de ses bras, pouvait baigner le pied des murailles. Encore au XVIe siècle « on aime bâtir (les châteaux) au milieu de l’eau afin de braver les voleurs et les pillards » (Quillet, p. 795). Ici, pour une raison que j’ignore, on oublie la différence des stratigraphies selon que l’on est à l’intérieur ou à l’extérieur de mes canaux, de même que le pendage des couches. Par exemple, au sondage 8, la première couche archéologique contenait un mélange de gallo-romain et de pré-romain, alors que la deuxième contenait les documents les plus récents et, au-dessous, comme c’est normal, de la massaliote. A l’évidence, la première couche provenait d’un remplissage, peut-être par écoulement naturel des matériaux, au moins en partie, jusqu’à presque remplir la roubine. Des témoins m’ont dit avoir vu les barques atteindre Saint Sauveur au début du siècle.

Au sondage 27, lors de l’établissement du siphon chargé de faire circuler l’eau de la roubine qui longe le terrain de sport, en la faisant passer sous une buse qui traverse la route, les ouvriers s’étonnaient de l’absence d’eau à trois mètres de profondeur. A leur grand étonnement, je leur dis qu’ils ne voyaient pas l’eau parce qu’ils étaient dans un canal antique et que l’eau se trouvait prisonnière quelques centimètres au-dessous. Leur étonnement se mua en stupeur lorsque, ayant enfoncé une tige de fer dans le fond de la tranchée et l’ayant retirée, ils virent apparaître un petit jet d’eau. Forcés de creuser plus bas pour construire le siphon, ils virent apparaître ce que je leur annonçais, une couche archéologique particulièrement riche en documents des premiers siècles. De l’autre côté du mur 1, les couches riches en céramique massaliote apparaissaient à faible profondeur. Toute la zone autour du sondage 27 mériterait une enquête poussée et l’on aurait probablement de grosses surprises si l’on creusait, au bord de la route, entre l’entrée du parking et l’entrée du musée...

Page 117, M. Py écrit : « Les constructions correspondant à la canalisation de ce cours (murs de soutènement latéraux)... » Et que signifie le mot canalisé ? « Transformer un cours d’eau en canal navigable » dit Quillet.

Quant au chenal des sondages 6-9 bis qui, effectivement, peut être relié au sondage 22 (j’avais précisément choisi l’emplacement de ce dernier pour le prouver), il permettait de faire communiquer le Lez Viel, à l’ouest au bras qui passe à Saint Sauveur et auquel M. Py sera bien obligé de croire un jour. J’ai, de plus, d’assez bonnes raisons de croire (mais ce n’est qu’une hypothèse à défaut de fouilles) qu’un autre bras passait à l’ouest de la butte.

Page 118, M. Py réfute « l’idée d’un port unique et solidement aménagé ». Or, Fernand Benoit, p. 4 du « Port de Lattara » avait noté la variabilité des quais qu’il qualifie de « très rudimentaires ».

Le titre choisi p. 119 « les voies de circulation « intra-muros » ne permet pas de faire état de la splendide voie, de six mètres de large, qui jouxte la nécropole et c’est dommage...

De même qu’il est dommage de ne pouvoir étudier le lot de 26 amphores massaliotes posées côte à côte exactement sous la rue 2 du sondage 26. J’en ai réservé l’étude à G. Marchand, mais, en dehors de la typologie, la mise en situation de ces amphores, cassées à mi-hauteur et littéralement incrustées dans un sol de graviers damés aurait été intéressante...

La stratigraphie systématique de Lattes selon le G.A.P.L.

Le ton particulièrement dur, sévèrement jugé par certains, à mon égard, dans ce chapitre, contraste avec les éloges du début de l’article à propos de « ma connaissance du terrain et du site de Lattes actuellement irremplaçables ». Cet irrespect va jusqu’à permettre à certains jeunes loups de traiter, avec la complicité amusée de certains officiels, ceux de ma génération, de dinosaures. Nos tyrannosaures feraient bien de méditer une certaine fable où il est question de trois jeunes hommes...

Le Village Chasséen : La « faible surface fouillée » en Néolithique permet à M. Py de poser quelques questions « auxquelles on ne pourra répondre sans une étude détaillée des restes déjà découverts, et même sans quelques sondages complémentaires menés avec toutes les précautions méthodologiques nécessaires »... On ne peut être plus aimable... Formé par le docteur Arnal, le fondateur du Chasséen français, d’abord reconnu par les archéologues... anglais, ayant travaillé à ses côtés plus de trente ans et connu les meilleurs néolithiciens européens qui m’ont fait confiance, ayant déjà publié sur le Chasséen de Lattes (voir trois articles dans « Hommage à Jean Arnal, 1988), assuré que « l’étude détaillée des restes déjà découverts » est en bonne voie par Alain Mendoza (et ce sera pour M. Py l’occasion de prendre une bonne leçon sur une période qu’il connaît mal), Je peux répondre à quelques questions :

1 -      II s’agit d’un village : l’étude de A. Mendoza apportera des précisions sur le sol, l’étendue, la position, les structures...

2 -      Oui, il était sur la terre ferme, assez proche du « taparas ».

3 -      II était sans doute au bord de l’étang qui se trouvait non pas vers le nord, comme le pense M. Py, mais vers le sud. On peut vérifier la limite très précise en quelques minutes de pelle mécanique.

4 -      Sa durée pourrait être précisée par des prélèvements au C 14 que nous avions préparés mais qui ont été détruits sans que le G.A.P. y ait une quelconque responsabilité. Des progrès dans la typologie peuvent également avancer dans ce domaine.

5 -      L’économie est basée essentiellement sur la pêche, la récolte des coquillages, la culture du blé, l’élevage.

Je peux ajouter que si la « Science officielle » a la volonté de rechercher des compléments d’information, par exemple par des fouilles programmées, je pourrais me rendre utile si on daignait me consulter. On économiserait du temps et de l’argent.

Les deux millénaires d’abandon:

L’abandon du site n’est pas total puisque, au sondage 26, quelques tessons mailhaciens sont présents. La caractéristique des gisements lagunaires autour de l’étang de Mauguio, et probablement au-delà, c’est, le fait que les habitats à Apenninique et Polada soient beaucoup plus petits que ceux du Bronze Final qui les coiffe. Il n’est donc pas surprenant que nous n’ayons pas trouvé à Lattes des tessons antérieurs au XIe siècle. Cela ne signifient pas qu’ils soient totalement absents. En revanche, l’absence de Chalcolithique, présent sur toutes les hauteurs voisines, s’inscrit dans la même lecture que le destin des « terramares melgoriens ». Présent sur le Néolithique de Lattes, ce niveau m’aurait posé un problème sérieux.

Le bucchero nero :

Je suis bien d’accord avec M. Py sur la nécessité de dissocier les fragments de canthares en bucchero nero classique d’avec les vases du niveau 9, « buccheroïdes », portant le mot « Oukial » en étrusque. Je laisse le soin aux spécialistes de tomber d’accord sur la date de la disparition du bucchero nero. Ce que je sais, c’est qu’il est plus abondant sur les terramares qu’à Lattes et à Lattes, plus abondant à la Cougourlude qu’à Lattara. D’autre part, sans être céramologue, j’ai fourni un rapport pour distinguer, outre de très nombreux profils de lèvres d’amphores étrusques, trois types de pâtes dont personne ne tient compte. C’est ce qui m’a permis de trouver, au sondage 26, plusieurs tessons de ces amphores étrusques « anciennes », confirmant ainsi que Lattes avait été un « terramare ».

Pour mémoire, je donne ici la description sommaire de ces pâtes :

A - Pâte pure, légère, poreuse, absorbant l’eau de surface, quand on mouille un tesson sec, en moins de trois secondes. Dégraissant très fin.

B - Pâte lourde, à dégraissant volcanique (rouge, blanc, noir). Totalement imperméable. Couverte souvent verdâtre.

C - Même dégraissant que la B, mais roulé. Durée d’absorption de l’eau intermédiaire.

M. Py ayant, comme moi-même trouvé des fragments de bucchero nero, il me paraît un peu gratuit d’y voir une « intrusion » (p. 124), d’autant plus que les canthares en bucchero nero sont abondants à Sextantio. Mais intrusion peut s’entendre de deux manières : ou bien il s’agit d’éléments remontés des couches profondes par creusement de puits, tranchées, etc. ; ou bien ces matériaux ont été transportés par prélèvements d’un gisement « aux alentours de l’agglomération antique, où pouvait sans doute se trouver encore des niveaux du 1er Age du Fer quasiment à fleur du sol » (sic). Des deux solutions, à notre avis, M. Py a choisi la plus mauvaise. Il y a une loi pour les habitats un tant soit peu étendus, surtout quand il y a eu, à l’évidence, ravitaillement en eau par des puits : la « peau » du gisement, la surface actuelle contient toujours des éléments provenant des couches profondes. C’est le cas à Lattes où les puits, de 4 mètres de profondeur en moyenne (mais il m’est arrivé d’atteindre 8 mètres !) sont nombreux. Au sondage 26, près de la margelle du puits 1, visible sur la couverture de Lattara, j’ai trouvé des lamelles de silex blond chasséennes qui ne provenaient certainement pas du gisement chasséen le plus voisin, le mas Rouge de Perols. D’autre part, pourquoi serait-on aller chercher de la terre à construire à la Cougourlude ou à Sextantio quand on en avait dans toute la plaine autour de Lattara. Et si on avait pris cette terre aux abords immédiats de la cité, elle n’aurait pas été « quasiment à fleur du sol » mais bien à quatre mètres de profondeur par rapport au sol actuel, en réalité, c’est vrai, deux mètres seulement, mais c’est encore trop, par rapport au sol antique : il ne faut pas oublier que les rues du sondage 26 sont deux mètres plus bas que celles de la butte de St Sauveur.

Page 123, la phrase... « le mélange, dès les chantiers de fouille, de mobiliers d’époque assez différentes interdit plus de finesse... » appelle aussi réflexion : venant en écho à la note 47 de la page 130 où il est réitéré que « beaucoup de mélanges ont eu lieu dès la fouille, dans les « cagettes » abandonnées sur le chantier et visibles sur la plupart des photographies accompagnant les rapports. Personne ne peut interpréter ces affirmations comme signifiant que les mélanges que l’on constate dans le sol de toute ville où ont eu lieu des terrassements se retrouve dans les cagettes. Si cela avait été l’esprit de l’affirmation, je ne l’aurais pas relevé, sauf pour remarquer que j’avais observé les mêmes mélanges, sur le terrain, dans les seaux de l’équipe de M. Py, même s’il prend soin, avant de prendre les photographies, de retirer les seaux. Je considère, dans ce type de fouille, hautement suspect un rapport où tous les tessons prélevés dans un même niveau ont la même datation. Quant aux « conditions longtemps précaires de conservation des mobiliers de G.A.P., à l’école Painlevé » (note 47) que M. Py sache :

1 -      Que nous n’avons, en 25 ans, perdu aucun document à Painlevé. S’il manque des documents à l’appel aujourd’hui, on ne peut s’en prendre qu’à M. Py à qui nous avons laissé la clef du dépôt pour qu’il puisse travailler en toute liberté pendant deux ans ou à C. Landes chargé du transfert des collections à Lattes.

2 -      Que, après une seule alerte (vitre cassée) nous avions obtenu le remplacement des vitres par un vitrage incassable pour éviter tout vol. M. Py, ai-je entendu dire, a été victime d’un vol au musée de Nages où la conservation n’aurait pas dû être précaire.

J’accepte en revanche la critique sur l’emploi des termes F pour foyer et autel-foyer, extension abusive d’un langage de préhistorien qui ne convient pas à ce type de gisement. Peut-être même serait-il plus sage de considérer les foyers structurés en général sur un lot de tessons recouvert d’une couche d’argile comme de simples foyers, qu’ils soient décorés ou non. Quand il s’y ajoute les chenets, la cannotation culturelle est, peut-être à tort, plus tentante.

Notre datation du début doit être révisée. Elle était basée sur la présence du bucchero nero. Le G.A.P. par l’intermédiaire de G. Marchand et A. Mendoza a révisé en baisse nos dates sans éprouver le besoin de dire que nos « arguments tombaient à l’eau ». Avec le temps, il l’a déjà fait pour le commerce étrusque, M. Py corrigera certaines de ses affirmations.

Je ne comprends pas le paragraphe de la p. 128 où il est question, dans deux phrases qui se suivent de « la densité des témoins, forte à l’est » et « ces derniers disparaissent tout à fait dans les fouilles menées sur la frange orientale et dans la partie sud du gisement ».

A la lecture de la note 49, p. 130, je me dis que j’ai plus de chance que Sir John Beazley de savoir de mon vivant ce qui m’attend une fois mort. Le travail de Beazley sur Lattes « présente un intérêt tout à fait moyen... Il est évident que l’étude de la céramique attique de Lattes reste à faire »... par M. Py sans doute...

La remise en cause de mon idée, lors des premières fouilles, selon laquelle l’organisation de l’espace habité n’a guère changé à travers les siècles me paraît prématurée tant que l’équipe de M. Py, n’a pas atteint les couches profondes.

Page 133, M. Py revient sur les mélanges des fossiles directeurs et la pollution par des reliquats, peut-être « imputables aux conditions du gisement ». Certes, il revient sur les « méthodes de fouille », mais commence à se poser la question des remblais. Dans tous les jardins du lotissement voisin (Filies IX, que je n’ai pu faire interdire), partout où l’on a creusé des puits, on trouve côte à côte, des tessons antiques et modernes.

La note 57, concernant la céramique campanienne, voit la charrette des condamnés s’alourdir de deux noms, Annick Robert et René Majurel, dont les travaux « sont d’un intérêt très limité et non exempts d’erreur ». Puisse M. Py ne pas aller aussi loin que Saint Julien l’Hospitalier...

Bravo, en revanche, pour la fig. 35 : je suis tout à fait d’accord sur la présentation de l’ensemble céramique du second siècle avant l’ère.

Page 135, dans la série des foyers lenticulaires lisses, il faut exclure celui du sondage 19 qui était décoré.

Page 136, les réserves sur un éventuel incendie généralisé sont parfaitement acceptables. Il y a de nombreuses traces d’incendies, en des points très éloignés - je ne confonds pas avec des activités artisanales très différentes - mais il est réel que cela ne prouve pas un incendie généralisé. A propos des inondations, éternel problème lattois, les analyses souhaitées par M. Py ont eu lieu : le sable provient bien du Lez, mais, j’en conviens, ce n’est pas une preuve suffisante.

« La datation des différents horizons représentant une phase a sensiblement varié au cours des fouilles ». C’est vrai, notre excuse étant que les dates données au fur et à mesure par de nombreux spécialistes ne concordaient pas toujours. A quelques heures d’intervalles, j’ai vu M. Py et J.-P. Morel, deux spécialistes de la campanienne, donner des dates sensiblement différentes sur le même vase. De même, sur les amphores étrusques, que peut bien penser un non spécialiste après avoir entendu les arguments de M. Py de Bouloumie, de G. Marchand, celui-ci traité par le premier de « fétichiste du chiffre » ?

La note 60 rappelle la raréfaction des monnaies en profondeur. M. Py n’aura que trop l’occasion de voir qu’à Lattes, à une certaine profondeur, les petits bronzes fondent littéralement sous les doigts. Souhaitons que tes scientifiques trouvent un procédé pour éviter ses pertes..

La soudure entre les Campaniennes et les Sigillées :

Lors des journées d’étude sur la céramique campanienne organisées par la F.A.H., à Montpellier, Morel (Archéologie en Languedoc, 1, 1978) admettait volontiers un hiatus plus probable qu’une prolongation des importations de A, et, en général, de campanienne, jusque vers le changement d’ère. Tentant une explication, il s’appuie sur des observations faites à Roanne et à Lattes. Concernant la prudence nécessaire en chronologie, p. 162 de la même publication, Morel écrit : « Notre connaissance de la chronologie de détail n’est pas plus brillante pour la B que pour la A ».

Compte tenu du « mélange peu fiable » dans mes cagettes, il est tout de même curieux que, sur la nécessité de séparer la campanienne de l’arétine Bats à 01-bia, Solier à Narbonne, Sanmarti à Ampurias arrivent exactement aux mêmes conclusions que moi. Ce qui n’empêche pas M. Py d’écrire, p. 137 : « Affirmer qu’à Lattes, la séparation entre la campanienne et l’arétine est très nette » (Morel, 1978, 161) est certainement abusif, surtout en se fondant, comme c’est le cas, sur les données d’une nécropole datable pour l’essentiel de la première moitié du premier siècle de notre ère. Lattes pourrait donc confirmer une importation conséquente de campanienne A jusqu’après 50, voire jusque vers 30/20 av. n. è. (cf. M. Py, 1987, 535). » En déduire, en se servant du conditionnel « pourrait » et du fait que la nécropole est datable « pour l’essentiel », de la première moitié du 1er siècle, que la campanienne est importée de manière conséquente jusqu’à 20 av. notre ère, me paraît plutôt « abusif », en tout cas prématuré, tant que n’a pas paru la publication de la nécropole, annoncée par la note 6, p. 67. L’absence totale de campanienne dans les tombes me paraît sous-estimée dans la discussion, en tout cas jusqu’à plus ample informé sur la datation de tous les ensembles. En revanche, il résulte d’une discussion tenue avec Comfort, en présence d’Alain Mendoza, que les estampilles 7 ». T. Rvfrenvs rvfio (Oxé-Comfort – n°1602), Icarvs (0-C, n°2491, serv. 1 de Halt.) de Lattes sont datables des années 20 av. n. è. à zéro. Même en éliminant de la discussion les Atei, Maquer et autres Volv (M. Valehvs Voivsvs d’après Comfort), en gros voisins de la fin du 1er av. notre ère, il reste que Comfort nous a affirmé, comme me le rappelle A. Mensoza qu’il avait repéré, à Painlevé, des tessons de sigillée de haute époque, « aux alentours de 50 av. n. è. », provenant de Rome. M. Py lui-même admet « une certaine précocité d’importation (dès les années 40 ?) ».

Bien que la « discussion » ne se déroule pas sur des bases paritaires (Py dispose de la totalité de mes observations, je ne sais rien des siennes), bien qu’il soit à la fois juge et partie dans la revue Lattara, ce qui n’est pas mon cas (je ne suis que jugé), je ne suis pas inquiet pour l’avenir : tôt ou tard le gisement de Lattes réglera de manière décisive le problème complexe de l’évolution des courants commerciaux de la seconde moitié du 1e siècle avant l’ère. A-t-on la volonté archéologique et financière d’avoir, par le système des fouilles programmées, une réponse rapide, c’est une tout autre question.

Le haut empire:

P. 138, M. Py rapporte fidèlement les résultats des prospections aériennes donnés par « Favory, 1987,26 ». Je lis : « Dans ce cas encore, les photographies aériennes antérieures à la construction des lotissement Filies (mrssion 1944) révèlent la présence d’une trame dense de bâtiments, groupés autour de la voie suivant l’actuelle route de Mauguio ». François Favory m’ayant fait connaître le rapport, j’ai pu examiner les figures 37-38 et, en particulier la photo 5.20. Un cercle matérialise une zone « à trame dense de bâtiments ». Je connais d’autant mieux cette zone que j’y habite et y ait creusé des puits. En l’état actuel de mes connaissances, il n’y a pas trace de bâtiments. Cette remarque, qui n’est en rien une attaque contre François Favory dont chacun a pu mesurer le sérieux et la compétence, m’amène à cette réflexion : l’interprétation des résultats des moyens de recherche les plus sophistiqués doit être prudente. La connaissance du terrain est un paramètre non négligeable : j’ai eu l’occasion, sur le terrain, de constater, en un autre point de Lattes, notre convergence de vues à propos du cadastre. F. Favory se dit (1987, p. 26) « tenté de faire de cette limité, marquée par la différence d’inclinaison au sein du parcellaire de Filies, la limite nord-orientale de l’urbanisme antique ». Je propose d’indiquer, avec une marge d’erreur de 40 m maximum cette limite sur l’avenue de Fréjorgues.

Après 200 : Abandon ou survie de Lattara :

« Le port de Lattara » a été publié en 1974. Le manuscrit avait été remis bien avant puisque l’avant-propos de F. Benoit date de 1967. C’est donc avant cette date que nous proposions, comme date de la disparition de Lattara la fin du second siècle puisque le document daté le plus récent était une monnaie de Septime Sévère de 194. M. Py nous reproche cette « certitude rapidement acquise d’un abandon vers 200 » qui a « occulté la réalité de la présence de témoins postérieurs à cette date ». Et de citer : une plaque de béton et un mur postérieurs au Haut Empire (sondage 11), une monnaie de 353-357 et de la sigillée claire associées à un puits (sond. 12), un mur au sondage 26, une monnaie de 337-341 au sondage 16, une inhumation non datée (sondage 17, une monnaie de Sévère Alexandre (vers 225) et d’autres pièces du 25e s., une monnaie de Gallien (257-259). A ces documents s’ajoutent les documents postérieurs à 200 de la Cougourlude.

Peut-on, à partir de cette énumération, parler d’une « survie de la cité » ou d’une « fréquentation ponctuelle des lieux, s’inscrivant dans un ensemble d’habitats dispersés repérés tout autour des rivages des étangs lagunaires et qui tisseraient un lien ténu entre la ville antique et la ville médiévale, établie à quelques centaines de mètres au nord-ouest » ?

Cette phrase et la conclusion du passage : « il reviendra sans doute à l’archéologie de trancher sur ce point, à la lumière des découvertes futures » mériteraient un volume comme réponse.

Pour moi, la cause est entendue : l’archéologie a tranché. Il n’y a pas de survie de la cité en tant que telle. 4 monnaies entre 200 et 357 ne peuvent en aucune façon être les seuls restes d’une ville. Ou alors il faut y ajouter les monnaies modernes qu’on trouve encore de ci de là. Tout au plus peut-on admettre la présence de quelques maisons isolées au IIIe ou, pourquoi pas, au IVe siècles, sans y attacher plus d’importance qu’aux mas de St-Sauveur ou de Nicot traditionnels. L’un des derniers habitants de cette période s’est manifesté sous forme d’une tombe en bâtière que le maire de Lattes (M. Vaillat – note du webmaster) a trouvé en creusant une piscine face à l’entrée du musée !

Mais M. Py ratisse large quand il appuie sa démonstration sur La Cougourlude, Soriech, Fangouse, Fromiga, Rignac ou les « habitats dispersés repérés tout autour des rivages des étangs lagunaires ». On peut ajouter d’autres sites gallo-romains sans sortir de la commune. Et, justement, ils sont révélateurs de ce qui a pu se passer si, d’aventure, ce qui n’est pas exclu, c’est une « Lézade » qui a détruit la ville : Soriech, Fangouse, Rignac, Maurin, La Vinouse sont hors d’atteinte du fleuve. Au Pont Juvénal, Saint Michel est sur la hauteur qui domine le fleuve.

De même, un tesson paléochrétien ou le sabre arabe trouvé dans les couches supérieures du sondage 9 ne font pas un lien entre la cité antique et la cité médiévale. On ne dispose actuellement pratiquement d’aucun document wisigothique. On sait seulement qu’en 1125 une véritable guerre éclata entre Mauguio et Montpellier parce que le creusement du port médiéval dont on vient, à ma demande, de dégager les structures, creusement effectué par Guillem VI, avait privé d’eau le moulin de Gandalmar, vassal de Bernard IV, comte de Mauguio. Le traité de paix, signé le 9 mai 1125, prévoyait la restitution du Lez Viel dans son état antérieur. Au XVe siècle, Jacques Cœur, pouvait, dit la légende, observer le trafic portuaire de Lattes d’où « ses « nefs absoutes », autorisées à commencer avec les musulmans partaient vers l’Orient... jusqu’à ce qu’il choisisse le port de Marseille comme plus fonctionnel. Et pourtant, il est bien connu qu’une enquête de 1744 signale que « le lieu de Lattes est inhabité depuis plus d’un siècle, et il a été déclaré tel par un Arrest du Conseil du 19 décembre 1676, de sorte qu’il n’y a aucun habitant que les Valets qui cultivent les métairies ».

Tel est le destin de Lattes tour à tour prospère ou anéantie. Point n’est besoin de chercher une cité fantôme entre Lattara et le village médiéval. Les lecteurs de la F.A.H., pour la plupart amateurs, auront noté le ton un peu trop polémique de mon propos. Je suis conscient de ce que cela n’ajoute rien au débat. Mais ceux qui ont subi ou subissent les mêmes tracas que moi comprendront qu’après avoir sacrifié 25 ans de sa vie sur un gisement on « digère » mal certaines phrases, surtout celles qui frappent des compagnons de route qui ont tant donné sans jamais rien demander en retour. En présentant « un bilan volontairement limité à quelques aspects » de 25 ans de travaux « de manière critique » donc orientée au nom d’une problématique, M. Py a dissipé les illusions que j’aurais pu avoir à la suite d’engagements de Pompidou, chef de l’Etat, et de Mme Giroud, Ministre, en vertu de quoi je devais faire partie de l’équipe appelée à continuer les recherches sur Lattara.

Henri Prades, février 1989