VIVE OUKI


Dans les ruines d'une maison incendiée au VI° siècle avant J.-C., j'ai trouvé, voici plus de 20 ans, au milieu d'amphores étrusques cassées, trois vases étrusques portant la même inscription: les deux portant l'inscription en entier sont visibles dans une vitrine du Musée de LATTES . Dans "LE PORT DE LATTARA", je proposais, comme lecture "EBARU", lecture acceptée, à tort semble-il, par le spécialiste espagnol BELTRAN. L'étruscologue italien Colonna vient de corriger notre erreur (qui s'explique par le fait que nous tenions les tessons à l'envers et qu'on retrouve alors les caractères ibériques).

Parmi les innombrables "écritures" connues, l'écrivain LUCIEN attribuait, dès le II° siècle, à juste titre, l'invention de l'alphabet, tel qu'il est, sans de gros changements, parvenu jusqu'à nous, aux Phéniciens. Le premier alphabet (Ahiram) date du XIII° siècle avant J.-C. Certaines lettres dérivent de la forme de l'objet : par exemple, la lettre A n'est rien d'autre que le dessin d'une tête de bœuf (alef en phénicien) renversée. De même, deux maisons ou tentes (bet), côte à côte, donnent le B. Le chameau (gaml, soit camel chez nous) donne gamma (ou G), Un simple rond est l'œil aïn). La bouche (ré, soit rot en russe, donne la lettre R, l'eau (mem), le M, et le poisson (nun) le N etc. Les alphabets grecs (l'oriental et l'occidental) et étrusques dérive manifestement, comme l'Hébreu, du Phénicien.

Raymond BLOCH, dans "Le mystère étrusque", constatant que deux écoles s'affrontent, l'une selon laquelle ce sont les grecs qui ont transmis l'écriture aux Etrusques, l'autre selon laquelle les Etrusques, d'origine orientale, l'auraient acquise directement des Phéniciens, se garde de prendre parti. Mais il n'est pas interdit d'examiner les arguments. Les tenants de l'origine orientale des Etrusques remarquent que l'abécédaire de MARSILIANA Dl ALBENGA, étrusque, pratiquement identique à notre alphabet, date d'environ 700 avant J.-C. Il présente encore les trois sifflantes d'origine phénicienne, en particulier celle dite samech qu'aucun alphabet grec occidental ne possède. L'emprunt de l'écriture étrusque est donc antérieur à la division des alphabets grecs en oriental et occidental, antérieur à la colonisation hellénique en Italie. L'argument opposé : Les alphabets grecs occidentaux plus récents ont pu perdre les sifflantes que, PEUT-ÊTRE, ils avaient dans la période la plus ancienne. L'ennui, c'est que personne n'a trouvé ce fameux alphabet occidental ancien à sifflantes. N'en déplaise à Raymond BLOCH, les arguments de l'école étrusco-orientale me paraissent cent fois plus convaincante.

Mais peut-être suis-je influencé par mes propres découvertes, tant à LATTES qu'autour de l'étang de Mauguio qui m'ont amené, pendant près d'un quart de siècle, à répéter sur tous les tons que, documents en mains et il y en a des quantités), les Étrusques et non les Grecs, ont fait pénétrer chez nous les premières lumières d'Orient. J'avais, à l'époque, écrit un article dans la presse locale "Le Lez, fleuve étrusque", article qui avait fait bondir les archéologues Je constate qu'aujourd'hui, nombre d'universitaires sont convaincues de l'antériorité du commerce étrusque.

C'est ici qu'apparaît l'importance des vases de LATTES. Les signes qui composent les graffiti sont liés, pratique courante dans l'Antiquité. Je les ai séparés à l'intention de nos lecteurs, pour leur permettre de suivre la lecture des pictogrammes (lire de droite à gauche). Les cinq caractères qui constituent le graffito sont présents dans l'alphabet étrusque récent.

Le premier, avec une maladresse sur l'un des vases se lit F=V=U=OU, Le second est un C=K, Le 3e un 1; le 4e un A; le 5e un L. On doit donc lire "OUKIAL" soit "OUKI" comme fluvial veut dire de fleuve. Finalement mon titre "Le Lez, fleuve étrusque" que J'avais choisi par boutade, était moins ridicule qu'il n'y paraissait au premier abord.

Colonna considère qu'OUKI est un nom celtique, ce que ne croit pas GUYONVARC'H. Peu importe. Qu'elle soit Gauloise ou étrusque, OUKI est la plus ancienne lettrée française. Alors, Lattois : "VIVE OUKI !"

PRADES, 1987.

 

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