Le domaine Saint-Sauveur, à Lattes,
près duquel ont eu lieu les fouilles (photo en préparation.)
Depuis quelques années la connaissance du lointain passé de la région montpelliéraine avance à pas rapides. Déjà, dans le passé, ont avait mis laccent sur limportance de sites tels que Sextantio (Substantion, à Castelnau-le-Lez) ou Murviel-les-Montpellier. Un groupe de préhistoriens parmi lesquels le docteur Arnal (Stratigraphie de la Madeleine, néolithique et chalcolithique de larrière pays). M. Lardret (oppidum de Fabrègues), le groupe archéologique des Chênes-Verts (civilisation de lâge du fer des environs du Pic Saint-Loup). M. Audibert (néolithique du Moulin de Sauret, grotte de Gimel, la Paillade) avaient poussé plus avant, et de manière bénéfique grâce aux progrès de larchéologie, les recherches de lancienne école (Gennevaux, Bonnet, Berthelé, etc...).
En 1958, les fouilles de MM. Daumas et Majurel révélaient la présence dabondantes importations préromaines à Sextantio. Quelques tessons de la civilisation des Champs dUrnes furent trouvés dans des couches remaniées. Au cours de lété 1963, les recherches de MM. Prades, Arnal, Majurel, devaient nous valoir la précieuse stratigraphie de Sextantio avec, successivement, des foyers bien en place des Champs dUrnes, de Hallstadt, puis des céramiques dimportation grecques, couvrant des tessons de bucchero nero, les célèbres vases étrusques. Cette civilisation était révélée pour la première fois sur les bords du Lez.
Un nouveau bond en avant vient dêtre franchi par la découverte toute récente à Lattes dune nouvelle stratigraphie qui éclaire lhistoire du Lez à partir du VIIe siècle avant J.-C. Nous avons eu loccasion, dans ces colonnes, de rapporter la découverte par deux jeunes écoliers, le petit Jean Offroy, de Lattes et Jacques Pérez, de lécole Painlevé, de céramique gallo-romaine et préromaine, dans une terre appartenant à M. Beaux, de Montpellier. M. Prades, qui oriente systématiquement ses élèves vers la recherche sur le terrain se rendit sur les lieux et avança lhypothèse, que nous avons rapportée, ici, que lon devait se trouver devant le Pirée de Montpellier, plus exactement de Sextantio. Il restait à vérifier, documents en main, si cette hypothèse était exacte. Des conditions atmosphériques épouvantables faillirent tout faire échouer quand MM. Prades, Arnal, Majurel voulurent en avoir le coeur net. Des recherches en surface, des enquêtes poussées dans les environs, des études darchives amenèrent à la conclusion quun sondage devenait nécessaire. On doit à lextrême compréhension de MM. Beaux et Sagnes davoir pu enfin le réaliser. Deux tentatives préalables par MM. Prades et Richard navaient pu être menées à leur terme par suite de déplorables conditions atmosphériques. Ces derniers jours, une amélioration du temps ayant amené une baisse générale de la nappe phréatique ont permis une nouvelle tentative par MM. Arnal, Prades et Rougé. Bien que les couches les plus profondes naient pu être atteintes le résultat est inespéré : une nouvelle stratigraphie est née, dont limportance néchappera pas à tous ceux qui aiment la recherche historique et préhistorique. On trouve, dans lordre et tout en descendant :
1. - Un niveau, gallo-romain, avec amphores, meules, graufesenque, etc... Le campanien, antérieur au Christ est abondant ainsi que les monnaies gauloises, massaliotes et volsques.
2. - Un niveau de la Tène, avec foyers en place et céramique peignée abondante. Des vases de tradition ionienne, mais généralement mal peints figurent dès ce niveau.
3. - Sous un pavement hermétique damphores un foyer renferme la céramique peinte attique, dite à figures rouges sur fond noir.
4. - On ne peut pas attribuer au hasard la présence, à deux mètres de profondeur, cest-à-dire au dessous du niveau actuel de la nappe phréatique, donc baignant dans leau dune anse damphore étrusque qui peut être datée avec une grande précision de la fin du VIIe au début du VIe siècle avant J.-C.
On se trouve donc en présence dune réplique exacte du site de Sextantio ce qui confirme et renforce la stratigraphie découverte à Castelnau en 1963. Il ny manque que les Champs dUrnes. Mais quelques tessons incisés inclinent à penser quils ne sont pas très loin au-dessous sous un mètre deau ou plus.
Il serait souhaitable que cette étude puisse être menée à son terme. Son importance scientifique dépasse, dores et déjà le cadre de Montpellier. Il était généralement admis que lAnonyme de Ravenne, qui qualifiait, au VIIe siècle, Lattes de "Civitas" avait exagéré. Il faut bien aujourdhui convenir que Pline, Pomponius Mela et lAnonyme avaient de bonnes raisons, quoi quait pu en penser Emile Bonnet, de considérer Latera comme une cité digne dêtre mentionnée. Le plus curieux réside dans le fait quil ait fallu attendre exactement 108 ans (le premier défoncement révélateur date de 1856...) pour se rendre compte quil sagissait de toute autre chose quune villa gallo-romaine, comme il y en a tant sur la rive gauche du Lez, ainsi que lont montré les jeunes écoliers de la Pompignane.
Espérons que lÉtat ne mettra pas 108 ans de plus pour entreprendre une étude avec des moyens appropriés (en particulier en prévoyant un système de pompage qui permette de connaître déventuelles couches sous-jacentes dune importance incalculable si elles existaient). Cest certes beaucoup demander mais on ne voit pas pourquoi notre région de Montpellier continuerait à faire figure de parent pauvre, archéologiquement parlant, quand son sol est truffé, de documents aussi importants. M.Gallet de Santerre, directeur de la XIe circonscription, a suivi , bien entendu de très près tous ces travaux et cest sous sa haute responsabilité que ce nouveau pas en avant vient dêtre franchi.
Henri Prades ; le 29.05.1964.
Sur les Étrusques à Lattes, Henri raconte, dans une lettre du 6 Juin 1964, une historiette sur lintrigue d'un jeune diplômé, Jean-Claude Richard, pour prendre en main le gisement lattois (Novembre 1963) : "Le jardinier exigeait 30000 francs (anciens) de sous-location pour me réserver une parcelle pour fouiller, (cela rendait impossible les semis de 9 courgettes). J'ai bouché le sondage (à tort) car j'ai pensé que 3333 f. la courgette ça faisait cher. Là-dessus Richard est arrivé et bien qu'ayant visité en mon absence ma fouille ne m'a pas quitté d'une semelle pendant le travail de remplissage. Je ne sais si je dois lui adresser des excuses pour n'avoir pas une deuxième pelle pour qu'il puisse s'appuyer, car il avait l'air fatigué! Il est resté tout le matin à réciter le décret de Pétain de 1941 ("Nul n'est autorisé à pratiquer un sondage, même chez soi...") et il répétait toutes les cinq minutes "C'est la loi!" et moi je rigolais, je rigolais et ça ne lui plaisait visiblement pas. Je rigolais parce qu'il a tourné en rond tout le matin devant un fond d'amphore Étrusque sans voir ce que c'était! "Bref, qu'il me dit, vous bouchez votre soi disant sondage qui est une véritable fouille. N'en ouvrez pas un autre, ou voyez M. Gallet de Santerre (Directeur des Antiquités) sinon vous aurez des ennuis" (oui mon cher, des menaces très précises). (Dans le bureau de M. Gallet de Santerre). Gallet très en colère (à propos d'une publication) sort mon article "Le Lez fleuve Étrusque" d'un tiroir en disant : "Tout Montpellier en a rigolé et moi le premier (tu parles, on n'avait qu'à le regarder!) Peuh! vous me traitez d'andouille car l'État, c'est moi (sic!) etc." À la suite de la discussion à laquelle prend part M. Richard arrivé entre temps, le Directeur des Antiquités "estime que le gisement est en péril et comme c'est un gisement important nous entamerons une procédure de classement" (...) Je dis : "En ATTENDANT, qu'est-ce que je fais?" Gallet : "Vous pouvez reprendre vos fouilles, il n'a jamais été question de vous arrêter!!! Puis, il me f. dehors" En Septembre 1964 après une pluie diluvienne, Prades fouille le niveau 9 (période Étrusque) et trouve 5 vases (quil reconstitue) et une lampe grecque. M. Richard vient lui signifier : "Vous préparerez un état général de vos dépenses pour voir ce que l'on peut faire administrativement..." Prades lui demande :"Pourrais-je lire un des nombreux livres dont vous disposez?" - Sa femme est Conservatrice du Musée de la Faculté de Lettres - Réponse : "Vous savez, ne comptez pas que nous puissions publier avant deux ou trois ans." Prades raconte encore : " La présence de ces quelques vases et tessons à peau noire de technique magnifique a fait dire à Richard que rien ne s'opposait à ce que ce soit du bucchero nero. "Les étrusques n'avaient pas que le canthare." C'est fou ce qu'il vous apprend ce petit!" Curieux bonhomme!
Sur
les Étrusques à Lattes encore, un Instruit a publié un
article dans Archéologie en Languedoc - année 2000 -, organe
de la Fédération Archéologique de lHérault,
dans lequel il découvre :
.../...
sous-chapitre : Érusques et Phéniciens doccident
Lexistence dun commerce étrusque direct en Languedoc demeure
incontestable : lhypothèse dune présence étrusque
à Lattes (Hérault) à la fin du Vle s. a même été
évoquée, sur la base de lexistence de graffites ainsi que
dun mobilier céramique exceptionnellement abondant : amphores,
bucchero nero, et- céramique culinaire (Bats 1988 c, 158 ; Py 1993, 87-88
Py 1995 (Michel Py qui a engueulé Henri Prades quand il a parlé
des Étrusques à Lattes et la moqué et même
menacé à ce sujet pendant des années... Py na «
découvert les Étrusques » quaprès la mort de
Prades !) et suggère si besoin en était lexistence de navigations
ayant concerné lensemble du Golfe du Lion.
Quel sens donner par ailleurs à la grande diffusion des produits grecs
et étrusques dans la basse vallée de lHérault dans
les premières décennies du VIe s. ainsi quen témoigne
la grande richesse et la diversité des produits arrivant à Bessan,
à St-Julien de Pézenas ? Limpact sur la civilisation ibéro-languedocienne
des contacts établis avec lÉtrurie reste encore sous-évalué,
et les travaux actuellement menés sur ce thème devraient dici
peu déboucher sur une réévaluation de ce phénomène.
Au-delà de ce constat faisant apparaître le poids du commerce gréco-étrusque
au Vle s., subsiste alors un autre question fondamentale, à savoir celle
dune éventuelle fréquentation des côtes languedociennes
par les phéniciens dOccident, andalous et ébusitains. En
effet, si lon attribue à Ampurias un rôle prépondérant
dans la diffusion de produits ibériques, que ce soit au niveau régional
ou interrégional, on peut tout aussi bien imaginer de ce point de vue
une participation sémite, dans le cadre dun commerce portant alors
sur de plus grandes distances. .../...
Après que Danielle Prades ait soumis un article LOTZ La pierre qui parle au Comité de lecture de la Fédération Archéologique de lHérault en 1995- qui la refusé -, que Danielle Prades ait présenté ses travaux dans des expositions publiques, ou à des chercheurs (Mme Échassous -Nice -) et des professionnels (Christian Landes -Conservateurs du Musée Henri Prades à Lattes -) entres autres, que Pascal Doriguzzi ait publié Un collier pour Barabbas en 1999, conte sur les Phéniciens en Languedoc... Fumeux !
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