Voici la liste à peu près complète des spécialistes scientifiques avec lesquels Henri Prades entretenait des relations épistolaires et des échanges :

Sir Beazelay, Messieurs F. Daumas (égyptologue), F. Benoît (Helléniste), M. Maréchal (spécialiste des métaux), Odette et Jean Taffanel (mailhacien), A. Vernhet (Graufesenque), Henry de Lumley-Woodyear et sa femme (préhistoire), L. Vernhet (bois), Erroux (graviers), Crubezy (squelettes), J. C. Richard (monnaies), B. Deday (Archéologue), Myriam et Charles Ebel, Domingo Fletcher-Vals, Maluquer de Motes, H. Comfort, J. P. Morel, Dr. Jean Arnal Dolmens, Chasséens...), René Majurel (numismate), Emmanuel Leroy-Ladurie (Historien), Mesdames Engels, Claude Alboré-Livadié Étrusques), Catherine Delanoé-Smith, Patricia Simpson, Marie-Claude Brillaud (Enseignante), E. Demongeot (Cabinet des Médailles), M. F. Laurens...

Tous ces gens analysèrent les découvertes du Groupe Archéologique Painlevé. Henri Prades entretenait une correspondance régulière avec M. Brioussov de l'Académie des Sciences de Moscou (qui lui envoyait plus de 500 ouvrages), avec Gosta-Safliend, avec l'allemand Derez.

Il envoyait pour études et anlyses des céramiques en Grande-Bretagne, des bois en Suède, des photographies en Finlande...

 

Lettres de Prades sur les trésors lattois et les Santons de Provence.

À l'automne 1964, au cours de travaux agricoles, M. Offroy découvre la pierre d'Astrapton portant l'inscription "IATTAR" (reproduite ici en phonétique) ; il confirme ainsi que Lattes est bien l'antique Lattara. Prades affirme cette hypothèse depuis l'approfondissement des fouilles. Les autorités archéologiques se moquent de lui, car disent-ils, "il y a un kilomètre entre Lattes et l'étang, la ville ne peut être un port" (sic !) Qu'est-ce qu'on s'amuse, parfois! Astrapton est un utriculaire, c’est à dire un type de transport fluvial. « IATTAR » est bien un port ! Malgré l'évidence, les bureaucrates de la "nomenclatura" locale nient Lattara.

Les archéologues amateurs se familiarisent avec les mœurs curieux de la recherche locale. Mais il arrive que cela occasionne des personnages et des anecdotes savoureux. Henri raconte à des amis, dans une lettre du 6 Juin 1964, une historiette sur l’intrigue d'un jeune diplômé, Jean-Claude Richard, avide de prendre en main le gisement lattois (Novembre 1963) :

"Le jardinier exigeait 30000 francs (anciens) de sous-location pour me réserver une parcelle pour fouiller, (cela rendait impossible les semis de 9 courgettes). J'ai bouché le sondage (à tort) car j'ai pensé que 3333 f. la courgette ça faisait cher. Là-dessus Richard est arrivé et bien qu'ayant visité en mon absence ma fouille ne m'a pas quitté d'une semelle pendant le travail de remplissage. Je ne sais si je dois lui adresser des excuses pour n'avoir pas une deuxième pelle pour qu'il puisse s'appuyer, car il avait l'air fatigué! Il est resté tout le matin à réciter le décret de Pétain de 1941 ("Nul n'est autorisé à pratiquer un sondage, même chez soi...") et il répétait toutes les cinq minutes "C'est la loi!" et moi je rigolais, je rigolais et ça ne lui plaisait visiblement pas. Je rigolais parce qu'il a tourné en rond tout le matin devant un fond d'amphore Étrusque sans voir ce que c'était! "Bref, qu'il me dit, vous bouchez votre soi disant sondage qui est une véritable fouille. N'en ouvrez pas un autre, ou voyez M. Gallet de Santerre (Directeur des Antiquités) sinon vous aurez des ennuis" (oui mon cher, des menaces très précises). (Dans le bureau de M. Gallet de Santerre). Gallet très en colère (à propos d'une publication) sort mon article "Le Lez fleuve Étrusque" d'un tiroir en disant : "Tout Montpellier en a rigolé et moi le premier (tu parles, on n'avait qu'à le regarder!) Peuh! vous me traitez d'andouille car l'État, c'est moi (sic!) etc." À la suite de la discussion à laquelle prend part M. Richard arrivé entre temps, le Directeur des Antiquités "estime que le gisement est en péril et comme c'est un gisement important nous entamerons une procédure de classement" (...) Je dis : "En ATTENDANT, qu'est-ce que je fais?" Gallet : "Vous pouvez reprendre vos fouilles, il n'a jamais été question de vous arrêter!!! Puis, il me f. dehors" En Septembre 1964 après une pluie diluvienne, Prades fouille le niveau 9 (période Étrusque) et trouve 5 vases (qu’il reconstitue) et une lampe grecque. M. Richard vient lui signifier : "Vous préparerez un état général de vos dépenses pour voir ce que l'on peut faire administrativement..." Prades lui demande : "Pourrais-je lire un des nombreux livres dont vous disposez?" - Sa femme est Conservatrice du Musée de la Faculté de Lettres - Réponse : "Vous savez, ne comptez pas que nous puissions publier avant deux ou trois ans." Prades raconte encore : "La présence de ces quelques vases et tessons à peau noire de technique magnifique a fait dire à Richard que rien ne s'opposait à ce que ce soit du bucchero nero. "Les étrusques n'avaient pas que le canthare." C'est fou ce qu'il vous apprend ce petit!" Curieux bonhomme!


Après de lourdes pluies d'automne, Prades découvre le premier trésor monétaire : deux mille oboles de Marseille, en argent... Cette extraordinaire révélation déclenche des scènes de théâtre croquignolesques entre les archéologues "officiels" et les fouilleurs amateurs. La pièce de Prades est un peu longue, mais elle vaut d'être lue :

Acte I Où Prades est génial.

"Je me pointe, Jeudi soir, chez Arnal qui, après avoir tourné les oboles d'argent dans tous les sens, retient par prudence les cinq ou six plus belles pour la photo, et me dit : "C'est important, dites le vite à Gallet de Santerre..." Le lendemain je prends mon téléphone et je dis à mon Gallet "Allô! Ici Prades. Je vais encore vous créer des ennuis, mais en traversant la vigne de Beaux, j'ai bronché à un pot plein de pièces en argent massaliètes. Il y en a 2000. On pourrait presque appeler ça un trésor. Me permettez-vous de les faire électrolyser par Bousquet? Mon Gallet : "Combien? Mais c'est IMPORTANT, on peut voir s'il s'agît RÉÉLEMENT d'oboles?... Je vous envoie Barbier." 1/2 heure après Barbier arrive avec Barruol. Ils étaient tout pâles devant le tas de monnaie. Moi peu chère, j'en avais tant ramassé que cela ne me faisait plus rien. Ils ont pleuré pour voir l'endroit (... En partant) ils emportent 200 pièces pour les montrer à Mongénéral (...) La nuit tombée, que vois-je dans l'ombre des acacias en fleur? La silhouette de Richard qui, averti par le tam-tam de Madame, avait obtenu en moins de deux heures une perm de son Colonel et délaissant la garde aux frontières se précipitait à Painlevé. Il me tient à peu près ce langage: "Depuis deux ans, je me tue à expliquer à Gallet de Santerre et à Chabert l'importance de Lattes J'AI MÊME ÉCRIT LÀ-DESSUS (sic!). -Sous-entendu "si vous n'étiez pas un gros ignorant vous seriez un peu au courant de ce qui se passe. N'importe quel imbécile, en traversant mes gisements, peut me trouver un trésor." J'ai toujours dit qu'il y avait obligatoirement des monnaies. En vous précipitant vous avez fait une bêtise car INÉVITABLEMENT quand je dirigerai les fouilles en grand, à la tête d'une équipe solide "que je sortira dès que je sera rassuré du côté des Vosges", inévitablement vous avez compliqué la tache de mes fouilleurs de demain. Pointez très exactement sur la carte l'endroit de façon qu'on ne mélange pas plusieurs trésors. Et le vase? Vous l'avez perdu bien entendu. Vous voyez là cette monnaie, et celle-là? Ce n'est pas de l'argent. C'est du bronze. C'est plus important que tout le reste etc, etc." (S'ensuit un laïus sur Droit, Propriété, Législation, et je suis un spécialiste du nettoyage, et je prépare un travail sur les trésors, et Bousquet est un abruti etc. etc..." On en rit longtemps dans les milieux non-autorisés !

Signé "Le pigeon aux 2000 oboles"

Certains lui reprochent à de ne pas demander sa part légale sur le trésor. Mais il conçoit l'histoire comme un bien commun de l'humanité. On ne doit pas monnayer ses documents. Felix qui potuit rerum cognoscere causes !

Acte II Où l'on règle son compte au trésor.

"Cher ami, Samedi, 6 heures du matin. Je suis dans ma salle de classe à Painlevé. Il pleut sur la route. Je viens vous tenir au courant des développements sur le trésor, histoire de vous faire rigoler. Donc Barbier est venu X fois et Gallet de Santerre, de loin, téléguide la discussion. C'est fumant, selon l'expression d'Arnal. On a, d'abord essayé de me faire croire que je croyais avoir découvert un trésor (Barbier et Richard, Barruol s'abstient). Que je n'avais rien découvert du tout, because j'étais dans la fouille à Richard et que, c'était déjà bien beau si l'on ne me poursuivait pas pour contrarier la marche harmonieuse, calme et pondérée de la Science Officielle sur le gisement. Enfin, je le donnais en douce, sans rien déclarer à Beaux, on me paierait très grassement (15000 anciens francs) ma journée de criblage, ce qui est nettement le prix d'une journée de harki, et tout rentrait dans l'ordre. Ce trésor ayant été placé sous mes pieds par M. Richard tombait à point pour faire comprendre à Paris qu'à Lattes, il y a quelque chose et on m'aurait appuyé si, selon mon vice habituel, je persistais à demander une autorisation de fouilles. Bref, Gallet de Santerre se trouvait devant un ciel sans nuage. Brusquement, j'ai eu le malheur de sortir de mon tiroir les textes de la législation de 1951. Ça a foutu la maison dans la panique. Ils ont interrogé Chazot, trituré tous les textes, vu et revu le code à l'article "trésor" J'avais toujours une longueur d'avance sur eux. L'article 16 venant AVANT et non après l'article 17 nous les tenons. ILS ONT CAPITULÉ. (...) Moi je me contente de dire que ce n'est pas une question scientifique, que l'expérience a prouvé que tous les trésors avaient été dissociés et que je mettrai tout en œuvre pour que celui de Lattes reste groupé (...) Beaux est venu me voir. Je lui ai dit qu'il fallait tout faire pour donner à l'État sa chance d'être honnête. Il m'a laissé les pièces. Vous voyez que, malgré ma bêtise tout est INTACT pour que vous puissiez étudier à votre aise. J'ai même refusé à ma femme d'envoyer une pièce à mon gendre (sic!) (...) J'ai proposé à Beaux ceci : "Allons trouver Delmas. Offrons lui le trésor pour la ville de Montpellier, après études par Majurel, moyennant finances. Ces finances permettront de publier et de continuer les fouilles. " D'accord! M'a dit Beaux, j'avertis Delmas." D'un autre côté j'ai averti Benoît, car, à y bien réfléchir, ça peut intéresser la ville de Marseille, because son histoire. En vous présentant comme le fils de votre père, vous pourriez peut-être écrire au camarade Deferre pour lui expliquer que s'il a, dans un tiroir 4 millions qui l'embarrassent etc..?
Incroyable !


Acte III Où l'on reparle du trésor.

Toussaint 1965 : "Chabert m'écrit (M. Chabert est un archéologue travaillant avec la Direction des Antiquités) "On va acheter Lattes. Demandez-moi n'importe quoi, vous l'aurez ; je vous aiderai tant que je le pourrai ; je suis sûr que grâce à votre dévouement et à votre désintéressement (ça c'est la feinte pour le trésor) "le gisement de Lattes DEVIENDRA exceptionnel" (sic!). Ce n'est pas tout. Le jour des morts, à dix heures du soir, le chien Youri se met à aboyer. Un fantôme arrive : votre ami Richard, coeur de loin - yeux de près, passablement excité qui me dit "On me raconte que vous avez trouvé des inscriptions ibériques au niveau 9. Vous êtes bien sûr? Mais c'est important, ça. Imaginez qu'on n'ait jamais fouillé Ensérune, ce seraient les seules par ici (vous savez qu'il est spécialisé dans l'Ibère). Quand je pense que Gallet de Santerre a fait partir un rapport disant que Lattes est une villa gallo-romaine quand je me tuais à expliquer que c'est un "tell" et depuis deux ans je conseille à l'État d'acheter. S'ILS M'AVAIENT ÉCOUTÉ, ON AURAIT TROUVÉ LE TRÉSOR EN PLACE. VOUS VOUS RENDEZ COMPTE?" (sic, parole de communiste !). Oui, je sais vous allez me dire que je perds mon temps, que je suis trop petit, qu'"ILS" m'auront... Ça se peut. En attendant, depuis tout ça, je trouve Bourvil, Fernand Raynaud, de Funès et même les deux "Charlot" "barbes" au possible. Je vous assure qu'on rigole dans le Midi." Hé oui! Les santons de Provence tournent autour de Prades, puis à partir de 1968, du Groupe Painlevé pendant vingt-cinq ans. Chaque découverte importante, chaque site fait l'objet des mêmes manigances Vaudevillesques. Chaque article ou théorie des amateurs subit la même superbe dérisoire. Combien de colères légitimes poussent-elles Prades et ses amis à se faire respecter ? Ou à ne pas mourir de rire ?

 

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